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Un exécutif à double tête qui fait débat !

1 – Un meurtre ignoble qui éclabousse toute l’armée.
 
Mercredi 5 février 2014, à l'issue d'une cérémonie protocolaire réunissant près 5 000 soldats des forces armées centrafricaines, en présence de la Présidente de transition qui a exprimé sa fierté de voir l’armée régulière de retour, des soldats ayant participé à cette manifestation ont lynché à mort un homme, présenté comme un ex-rebelle de la Séléka.
Le drame s'est noué à la fin de la cérémonie, après le départ des officiels. L'homme, qui était désarmé et participait sans doute comme spectateur à un moment de communion collective et d'union nationale, a été tué à coups de godasses, de pierres et de couteau par de prétendus soldats qui se sont acharnés sur le corps jusqu'à son démembrement !
 
Madame Catherine Samba-Panza, en sa qualité de Chef suprême des armées, ne doit pas laissé impuni ce crime exécuté par ses soldats. Il lui appartient d'exiger du ministre de la Défense et du Chef d'Etat-major des FACA de traduire les responsables de ce meurtre ignoble devant une cour martiale. A défaut, elle perdra toute légitimité et ne gagnera la confiance d'aucun autre Centrafricain. La mise en place d’une vraie police militaire devient urgente.
 
En effet, que penser de ces hommes qui ont fui sans combattre devant les rebelles Séléka en mars 2013, se sont terrés comme des chiens des mois durant dans la brousse et qui, alors que l'occasion leur est donnée de recouvrer quelque dignité de soldat, s'acharnent sur le corps d'un civil à terre ? La réconciliation nationale est sabotée par ceux-là même qui devraient l'inspirer.
 
2 – Un seul mot d’ordre : « é tè biani » !

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Le 20 janvier 2014, élue Présidente de transition, Catherine Samba-Panza avait surpris. Les poings levés en signe de victoire et le corps en position de danseuse de Lambada corseté dans tailleur fuchsia, elle donnait l’impression de ne pas mesurer la solennité et la gravité du moment ; celui d’un pays en dévastation.
 
Le lundi 28 janvier 2014, lors de la publication de la liste de ses ministres, la Présidente a inquiété. Contrairement à ses engagements, ce premier gouvernement n’est ni resserré, ni technocratique ni entièrement à parité hommes et femmes. La rumeur fait état de la présence d’un quasi délinquant au gouvernement !
 
Le 4 février 2014, en communiquant la liste des membres du cabinet de la présidence, Madame Catherine Samba-Panza désespère ! Au nombre de trente conseillers, ce cabinet pléthorique et hallucinatoire est, à lui seul, le bottin de ce que la classe politique centrafricaine compte de parasites et de nuisibles. A chaque alternance, ils jouent les chasseurs de primes, telles des termites ailées attirées par la pleine lune après la pluie.
 
Au-delà des personnes, ce sont les profils qui désarçonnent. Deux conseillers ont rang de ministre d’Etat, douze ont rang de ministre et une palanquée de conseillers sans grade. Beaucoup de ces derniers n’ont pas les compétences requises dans les matières où ils doivent avoir l’oreille de la Présidente. Passe encore qu’elle fasse acte de népotisme en nommant sa fille comme chef du secrétariat particulier – bon sang ne saurait mentir – mais de là à reconduire les caciques des régimes Patassé, Bozizé et autre Djotodia ? Ce n’est plus de l’amateurisme, c’est du noviciat. On n’ose croire que Madame Samba-Panza, ignorant les exigences du protocole, des étiquettes et des positions hiérarchiques dans l’administration, s’est contentée de dupliquer les pratiques de ses prédécesseurs cités ci-dessus.
Elle fait mentir tous ceux et toutes celles qui prétendaient qu’une femme gouvernerait autrement.
 
En Centrafrique, le titre de ministre n’a aucune signification et ne préjuge pas des compétences de son titulaire. Comme disait Jean-Bedel Bokassa, « Je ne nomme pas un ministre pour travailler, mais pour gagner de l’argent ». Les membres du cabinet présidentiel pourront donc proclamer en chœur : « é tè biani » (bouffons pendant qu’il est encore temps) ! En nommant ses proches comme conseillers au palais de la Renaissance, la Présidente de transition perpétue une tradition, celle qui a conduit à la culture de la haine et au désordre du moment.
 
Décidément, le Nègre ne sait pas se gouverner, au sens où il ne sait, ni contrôler ses pulsions ni maîtriser ses frustrations.
 
On comprend la satisfaction de l’ambassadeur français qui pérore : la France reprend la main. Elle va en effet « déléguer 24 assistants techniques en Centrafrique pour aider Catherine Samba-Panza à restaurer l’Etat ». Ceux-ci seront rejoints par des experts de l’Union européenne et des Nations unies, encore plus nombreux. Qui sont-ils, comment seront-ils choisis ? Nul ne le sait. Ce n’est plus du néocolonialisme, c’est de la reconquête… L’ombre du « Marabout blanc » plane.
 
3 – Qui paiera l’addition ?
 
La Présidente ayant donné l’exemple, il est à craindre que chaque ministre se sentira honoré de l’imiter ! Sur quel budget cet attelage sera pris en charge ?
Les finances de l’Etat centrafricain étant exsangues, on voit mal le Trésor public signer les billets à ordre de nos excellences.
 
A ce jour, les fonctionnaires centrafricains doivent compter sur la générosité de la Cémac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) et des pays voisins, en particulier celle du Médiateur de la crise, le Président Denis Sassou-Nguesso. Ce dernier a déjà accordé un prêt de 25 milliards de francs Cfa à la RCA en juin dernier. On comprend dès lors que la première sortie officielle de Mme Samba-Panza soit consacrée à la République populaire du Congo.
Toutefois, cette propension des différentes autorités successives centrafricaines à tendre la sébile a un coût, il est doublement exorbitant. Au plan politique et symbolique, cette « mendicité d’Etat » écorne un peu plus la souveraineté nationale. Au plan économique et financier, la pratique de la main tendue place le pays sous la dépendance des bailleurs de fonds en augmentant la dette publique de l’Etat vis-à-vis des créanciers extérieurs.
 
Le 1er février dernier, la communauté internationale réunie à Addis-Abeba aurait réussi à récolter 396 millions de dollars de promesse de dons en faveur de la RCA, dont 100 millions pour la seule Union européenne.  La majeure partie de ce financement est destinée aux opérations militaires de la MISCA. Cette enveloppe n’est donc pas prévue pour solder la masse salariale de la fonction publique centrafricaine. Il n’est pas dit que ce financement serve à soulager en partie les sinistrées civiles des exactions commises par les ex-Séléka et les anti-Balaka.
 
Il revient donc à l’Etat centrafricain de mobiliser ses faibles ressources pour apporter l’aide et le réconfort nécessaire aux populations civiles. Il ne s’agit pas seulement d’affecter des ressources financières. Une des tâches prioritaires consiste à mobiliser les associations de la société civile autour de la prise en charge des victimes et des sinistrés, les encourager à regagner leur domicile et à commencer à entreprendre les premiers travaux de réparation ou de reconstruction de ce qui peut l’être, avec le concours de l’armée régulière et de la Jeunesse pionnière nationale.
 
N’ayant pas su protéger le peuple au pire moment de son existence, l’armée devra aider à reconstruire ce qu’elle n’a pas su défendre. Deux initiatives doivent être prises très rapidement par les pouvoirs publics, à Bangui et dans les provinces.
 
-          A Bangui, les manifestations de haine et les exactions actuelles n’ont plus de fondement politique. Il s’agit de jeunes désœuvrés qui, pour solder les frustrations et souffrances accumulées depuis tant d’années d’indigence, se livrent à des pillages. Indépendamment des forces de police et de gendarmerie qu’il faudra déployer au plus vite avec des consignes et des missions très claires, il appartient désormais au gouvernement d’installer dans tous les quartiers et arrondissements de la capitale des « Médiateurs de la paix ». Ce sont des femmes et des hommes, bénévoles, appelés à sillonner leur quartier afin de renouer le dialogue entre les différentes parties en présence. Ils porteront une signalétique destinée à les identifier et travailleront en équipe de 3 à 5 personnes à la fois. Ces équipes seront installées auprès des chefferies traditionnelles et des chefs de quartier, qu’elles pourront opportunément aider dans l’effort de pacification et de réconciliation.
-          En province, où les difficultés de liaison rendent les contacts difficiles, les autorités administratives ayant presque partout déserté leurs postes et responsabilités – certaines bien avant l’arrivée des ex-Séléka en décembre 2012 – des solutions transitoires doivent être trouvées pour soulager les populations et les rassurer. Aujourd’hui, la plupart des gens communiquent au moyen des téléphones portables et Smartphones ; c’est l’un des bienfaits de l’ère numérique. Il appartient donc à l’Etat d’étudier la mise en place de numéros verts, dédiés par région, permettant aux citoyens de joindre ou d’appeler une cellule de crise. Celle-ci aura pour fonction essentielle de récolter des renseignements en temps réel, mais également de fournir en retour des informations, proposer des solutions pratiques et adaptées à des situations individuelles ou collectives difficiles, comme envoyer de l’aide ou des secours, etc.… Il s’agit avant tout de rassurer et de mettre en confiance.
 
Pour toutes ces initiatives, nul besoin de créer un ministère de la réconciliation nationale ou une structure ad hoc ; c’est la mission d’un véritable ministre de l’Intérieur, s’il existait.
 
Enfin, le moment semble venu et tout indiqué de rendre un vibrant hommage aux hommes de Dieu, prêtres, pasteurs ou imams des différentes religions, qui se dépensent sans compter depuis le début de la crise pour apporter aide, réconfort et sécurité aux victimes des exactions diverses et aux sinistrés. Le moment est venu de mobiliser les esprits en attendant que les cœurs se mettent au diapason.
 Il ne suffit plus d’en appeler « au rassemblement, à la tolérance, à la réconciliation nationale », encore faut-il, par l’exemple et l’engagement, dire jusqu’où ne pas céder.
On ne peut plus se satisfaire ni être fier des convois de musulmans – Tchadiens ou Centrafricains – qui quittent le pays, fermant boutiques et magasins.
C’est une honte pour la Nation entière d’assister sans réaction à ces douloureux cortèges de gens paisibles contraintes à l’exil forcé, alors qu’elles ne sont partie prenante à rien.
 
La Présidente de transition serait inspirée, elle qui est née au Tchad, de répéter inlassablement ce discours de la paix. Au lieu de se contenter de lire en tribune des discours convenus au style ampoulé rédigés par quelque scribe en mal d’inspiration, Madame Catherine Samba-Panza devrait s’adresser au peuple en sango, tous les jours, en un rendez-vous quotidien sur les antennes de Radio-Bangui, pour faire le point. Les Centrafricains lui seront reconnaissants de ne pas cacher la vérité sur une situation déjà très difficile à vivre. Et peut-être pourra-t-elle espérer toucher les pillards au cœur et les conduire à cesser leurs malversations terroristes.
 
Paris, le 5 février 2014
 
Prosper INDO



05/02/2014

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