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LES ANALYSES ET PROPOSITIONS DE JEAN WILLYBIRO SAKO SUR CERTAINES PROBLEMATIQUES ACTUELLES EN CENTRAFRIQUE

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Les confusions qui planent aujourd’hui sur des décisions qui touchent de près l’avenir de notre pays doivent nous préoccuper et nous interpeller. Nous souhaitons offrir notre analyse de la situation et faire des propositions pour des solutions de sortie de cette spirale, notamment au sujet :

De la perpétuation des crimes odieux de plus en plus ciblés à Bangui et dans certaines localités de provinces ;

Des mesures de déplacements massifs des ressortissants de confession religieuse musulmane à l’intérieur du pays ou à l’extérieur ;

Du dilemme sur le rôle des FACA.

 

I.La perpétuation des crimes odieux.

Malgré des périodes d’accalmie dans notre pays, divers observateurs constatent des attitudes délibérées de personnes opposées au retour de la paix, sans nul doute manipulées de l’intérieur comme de l’extérieur. Si certains actes peuvent être analysés comme étant les conséquences de longues périodes de brutalité et d’actes odieux, d’autres crimes sont d’une nature nouvelle, plus élaborés et  plus cruels encore. En effet, au départ figurent les exactions de la Séléka contre la population centrafricaine, surtout contre les personnes de confession non musulmane. Ces exactions entrainent la réaction des Anti-Balaka,ces forces organisées au départ comme des forces communautaires de réaction à ces exactions, mais qui progressivement se laissent dépasser par des groupes de plus en plus violents, perpétrant  particulièrement des agressions contre des ressortissants de confession religieuse musulmane à Bangui mais également dans des villes de province telles que Boda, Bouca, Kabo, et tout récemment à l’Hôpital de Nanga Boguila, tuant des humanitaires de Médecin Sans Frontière (MSF). Cette organisation humanitaire qui pourtant, depuis des mois, sans relâche et sans discrimination aucune, est aux cotés de toutes les victimes des différentes violences.

Ces assassinats souvent gratuits et aveugles ne ressemblent guère a des actes spontanés mais à des actions menées, souhaitées et préparées par des acteurs dont le but serait de faire le plus de mal, produire le plus de conséquences nocives et de victimes. Ces actes ressemblent étrangement à d’autres actes similaires commis par des groupes terroristes de triste renommée sévissant actuellement dans certains pays voisins ou proches.

De tels actes nécessitent des recherches approfondies, exemptes d’aprioris, impliquant la coopération des spécialistes de ces pays voisins ou de pays de grande expérience dans la lutte antiterroriste. Vu la faiblesse actuelle de nos forces de sécurité, qui sont désorganisées et peu entrainées, ces actes d’une cruauté plus qu’animale doivent être arrêtés dans les  meilleurs délais par une vraie mobilisation de toutes les forces nationales, celles de la SANGARIS et de la MISCA. Ils nécessitent aussi que des activités de sensibilisation de proximité et des campagnes intenses mettent l’accent sur la prudence de tous les jours, notamment sur la vigilance face à des inconnus agresseurs qui doivent être systématiquement dénoncés aux forces de police et de sécurité.

Les enseignements sans relâche de la culture de Paix comme ceux menés par le Catholique Relief Service (CRS) envers les leaders des différentes confessions religieuses, soutenus par les notables et autres groupes de pression communautaires peuvent faire la différence. Une meilleure collaboration entre le gouvernement et toutes les personnes ressources pouvant apporter leur contribution à ces actions citoyennes d’intérêt vital pour tous est également indispensable.

 

II.Les mesures prises pour organiser le déplacement massif des ressortissants de confession religieuse musulmane.

Déplaçant les populations de confession musulmanes des régions du sud vers le nord du pays,ces mesures prises par certaines organisations humanitaires,et ce même contre l’avis du gouvernement ou à son insu,sont de nature à fragiliser encore d’avantage l’Unité Nationale. La situation est déjà si complexe. Elle évolue vers des velléités scissionnistes que revendiquent certains extrémistes anciens Séléka.

Malgré les menaces réelles qui planent sur certaines communautés religieuses à Bangui comme dans certaines villes du pays, nous pensons que tout n’a pas encore été fait pour sécuriser les zones concernées, désarmer les groupes d’auto-défense et autres, dont certains sont bien connus et localisés.

Il est indispensable de poursuivre sans relâche et de manière durable les campagnes de sensibilisation, de rappeler aux défenseurs du scissionnisme que leurs projet n’a aucune chance d’aboutir quand on connait la rigueur du droit international sur l’intangibilité des frontières, les positions claires de l’Union Africaine (UA) et des Nation Unies(NU), rappelées à Bangui par le président Français François Hollande et de nombreux émissaires Américains.

 

Si les textes des Nations Unies donnent mandat aux organisations internationales humanitaires telles que le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) d’assurer la protection des réfugiés et des personnes déplacées, cela ne signifie en rien qu’elles ont le droit de créer des nouveaux réfugiés ou des personnes déplacées à l’intérieur d’un État. Elles ne peuvent se comporter comme dans une zone sans droit ni souveraineté, alors qu’en RCA l’État existe toujours.

Malgré toutes les menaces qui planent sur certaines communautés et qui nous interpellent tous, nous devons rechercher des solutions qui ne créent pas de nouvelles situations juridiques, sociales, administratives difficiles  à contrôler ou à inverser à court ou moyen terme.

 

D’anciens Séléka modérés et nationalistes prennent position aujourd’hui contre les extrémistes divisionnistes et méritent d’être associés aux différentes actions de recherche de solution à la sortie des crises. Il en est de même au sein des Anti-Balaka.

N’oublions pas enfin, que si de nombreux musulmans ont quitté le pays ou leur ville d’origine, nombreux sont également ceux qui vivent toujours  dans des villes et villages du pays sans être inquiétés et sont,  bien au contraire soutenus par leurs frères et sœurs non musulmans. Ces exemples qui sont nombreux à travers le pays doivent aussi faire l’objet de publicité, d’encouragement et d’échanges sur les bonnes habitudes.

 

 

III. Sur la réhabilitation des FACA

 

Quelque soit la complexité des problèmes de nos forces armées,  nous devons nous rendre à l’évidence :la place de notre armée nationale dans la recherche de solution de sortie de crise est incontournable.

Un État sans armée, même soutenu par des forces conventionnelles étrangères, ne peut se dire un État souverain, à moins que son statut ne soit révisé sur le plan international. Ce qui n’effleure la pensée d’aucun centrafricain digne de ce nom, sinon celle de quelques nostalgiques des temps anciens, incapables d’efforts personnels, ou de quelques amateurs de fiction politique.

 

Aujourd’hui, il faut courageusement attaquer le problème de front, en faire notre priorité, tout en impliquant les FACA elles-mêmes à ces réflexions, en faisant appel à leur patriotisme et à leur orgueil du passé. Car notre armée hier, quoique peu nombreuse ou peu équipée, savait se faire respecter dans la sous-région par la bravoure de ses hommes, leur discipline et leur orgueil d’être les défenseurs du peuple, les derniers remparts.

D’autres avant nous n’avaient-ils pas déjà dit que « [i]Toutes les armées du monde seront toujours incapables de ramener la paix dans un pays où le peuple n’a pas d’autre ennemi que lui-même, et qu’il a décidé de se suicider ».

C’est pourquoi nous devons rester vigilants et réveiller notre conscience nationale.  La prise de conscience et  les efforts des fils du pays sont sans nul doute les moyens souhaitables et souhaités pour sortir la RCA de la crise actuelle.

Si la communauté internationale consent aujourd’hui d’importants financements pour l’entretien et le fonctionnement de nombreuses troupes de la MISCA, de la SANGARIS, de l’EUFOR et bientôt celles des Nations Unies - ce dont nous leur sommes particulièrement reconnaissants-  elle peut tout aussi mettre dans ses priorités la réhabilitation des FACA.

Les exemples du RWANDA, du LIBERIA, de la SIERRA LEONE, de la République Démocratique du Congo (RDC) et d’autres sont là pour montrer que, quand elle en a la volonté et qu’elle y met les moyens, la communauté internationale peut aider efficacement un État à se redresser rapidement.

Dans notre cas, la restructuration des FACA, la formation des hommes et leur équipement sont des actions à valeur ajoutée que la communauté internationale maitrise et qui peuvent accélérer le retour de la sécurité, de la paix et la confiance entre tous les centrafricains, tout en restaurant la souveraineté de l’État dans tousses attributs.

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Jean Willybiro-Sako

Ancien Ministre d’Etat

Ancien Ambassadeur

Ancien Contrôleur Général de la Police

Magistrat Hors Hiérarchie à la retraite

 

 

IL A DIT :
"Toutes les armées du monde seront toujours incapables de ramener la paix dans un pays où le peuple n'a pas d'autres ennemis que lui-même, et qu'il a décidé de se suicider.
La Centrafrique n'est attaquée par aucun ennemi de l'extérieur.
L'ennemi est dans la tête des gens, dans cet infernal du rejet de son propre frère et de sa propre soeur.
Cela relève de la psychiatrie, pas des militaires." 

[i]Colonel Pierre DE LACAN
Ancien conseillé militaire du président J.B Bokassa

 



08/05/2014

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