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Tchad: les "sans-papiers", victimes du durcissement des mesures anti-terroristes

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[ Par  Mahamat Ramadane |Mis à jour|25 juin 2015 ]

Le durcissement des mesures anti-terroristes décidées à N’Djamena, la capitale tchadienne, fait des malheureux. Les premières victimes étant les «sans-papiers» qui sont automatiquement expulsés du pays, sans autre forme de procès.

Après les deux attentats suicides perpétrés par Boko Haram et qui ont visé le commissariat central et l’école de police de la capitale, faisant 34 morts et 105 blessés, le gouvernement a décidé une série de mesures préventives.

Les fouilles systématiques et quotidiennes de certains quartiers de N'Djamena par les forces mixtes composée des policiers, des gendarmes et les agents de la Garde Nomade du Tchad (GNT) sont depuis quasi-quotidiennes, a appris Anadolu auprès d'une source sécuritaire tchadienne.

Les quartiers Moursal et Paris-Congo dans le sixième arrondissement de N’Djamena, sont les principaux concernés par les fouilles, d'après la même source.

"Ces quartiers abritent plusieurs étrangers sans papiers, ressortissants du Niger, du Nigeria et du Cameroun. Il faut mettre la pression pour trouver des suspects", commente le responsable sécuritaire.

Lundi, plus de deux mille étrangers, sans papiers de séjour, dont une majorité issue de pays de l'Afrique de l'ouest, avaient été arrêtés et gardés dans un camp, à la sortie de la capitale tchadienne.

"Nous allons interpeller tous les étrangers sans papiers à N'Djamena et sur tout le territoire tchadien pour les besoins de l'enquête (anti-terroriste) que nous conduisons. Les suspects seront confiés à la justice tchadienne qui fera le nécessaire, tandis que les autres seront expulsés dans leurs pays respectifs" avait indiqué à Anadolu,Tahir Erda, directeur général de la Police tchadienne.

Mercredi matin, les habitants du quartier Paris-Congo se sont, une fois de plus, réveillés sur une présence massive des forces de sécurité dans leurs concession.

Selon un commandant des opérations de fouille, Djibrine Mahamat Hamid, le quartier est quadrillé.

"Les étrangers comme les tchadiens sans papiers seront conduits au camps de cantonnement, à la sortie nord de la capitale. Les étrangers sans papiers seront conduits par la suite dans un autre camp...", a-t-il souligné aux journalistes présents sur le lieu, sans donner davantages de précisions sur la dernière destination des sans-papiers étrangers.

D'après Chaibo Abba Goni, un jeune nigérien sans papiers, embarqué mardi par la police, les forces de sécurité ont fait «le tri» et les ressortissants du Niger et du Nigeria sont conduits par la voie terrestre, dans les gros camions, à la frontière, au lac Tchad, où ils sont cantonnés dans un camp.

"Nous allons rester ici dans le camp, et les organisations vont s'occuper de nous en attendant que nous regagnons nos pays respectifs. Nous avons tout laissé à N'Djaména, la police ne nous a même pas permis de prendre nos affaires. Notre déportation était un calvaire, nous étions entassés dans de gros camions sous le soleil pour un trajet de plus de 400 kilomètres. Certains d'entre nous qui étaient en jeûne, étaient obligés de le rompre parce qu'ils ne pouvaient plus supporter la chaleur et la poussière...", a-t-il déclaré par téléphone à Anadolu.

Si le pouvoir et l'opposition n'ont fait aucun commentaire officiel au sujet de ces expulsions, le secrétaire général du parti Union National pour la Démocratie et le Socialisme (UNDS-opposition), Ngarial Wong-Goto Modeste, joint par Anadolu, estime que ces mesures sont "insensées". 

"Nous ne savons pas d'où vient cette décision d'expulser des étrangers. Si elle vient du gouvernement, c'est déplorable et insensé. Nous ne pouvons pas du jour au lendemain expulser nos amis, qui resident dans ce pays depuis des années. Le gouvernement est entrain de perdre le contrôle de la situation," a-t-il indiqué.

Pour le politologue Évariste Ngarlem Toldé, enseignant chercheur à l'Université de N'Djaména,  "des incidents diplomatiques sont à craindre".

"Le gouvernement tchadien ne mesure pas l'ampleur de ce qu'il est entrain de faire. Ses mesures de lutte contre le terrorisme à l'intérieur du pays sont louables et appréciées par toutes les couches politiques et la société civile tchadienne, mais les expulsions des étrangers sans papiers dépassent les bords politiques, on s'achemine vers des incidents diplomatiques", a-t-il affirmé.

Ces opérations de cantonnement coûteront chers à l'État tchadien, a estimé pour sa part le Directeur du Centre de l'action Sociale, Tarbé Mornodji. "D'abord sur le plan du transport, mais aussi concernant la construction des abris, l'alimentation des cantonnés, et les risques d'épidémie à l'approche de la saison pluvieuse", a-t-il averti.

Selon le commissaire du 5eme arrondissement de la capitale, Mahamat Zen Nimir, environ trois à quatre mille étrangers sans papiers seraient cantonnés à la frontière triangulaire entre le Tchad, le Niger et le Nigeria,  au Lac Tchad, en attendant leurs expulsions.

 

©AA



25/06/2015

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