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Réaction : Un centrafricain répond à Boukanga

 

[Par DANGABO MOUSSA| Mise à jour|15 mai 2014]- Qu’est-ce qu’un(e) Centrafricain(e) pour le Secrétaire Général des Nation des Unies ? Je ne crois pas qu’on se le soit beaucoup demandé. Sans prétendre résoudre un si vaste problème, j’aimerais suggérer qu’il mérite examen. J’ai même la faiblesse de penser qu’une analyse sérieuse le révélerait capital.

 

Il est en effet question du centrafricain, un peu partout, dans nos textes fondamentaux (constitution, Loi, etc.). Laissons celui de la constitution. Ne nous occupons pas du politique, jurant par « les centrafricains d’origine ! » à tous les coins de discours – que ce soit pour s’étonner, pour louer, ou pour mépriser. Lâchons même ce gros morceau que ce sont les musulmans, nommés « étrangers » ou « arabo » en signe de dédain, et qui firent de leur illusion vérité.

 

Faisons plutôt recours à l’histoire.

 

Les musulmans établis en Centrafrique sont-ils des centrafricains ? Ecoutons d’abord la réponse de Monsieur Boukanga, je le cite : « La République Centrafricaine, anciennement Oubangui-Chari, qui couvre une superficie de 623.000 km2 est peuplée d’environ 4 500 000 habitants de différentes tribus ou coutumes au nombre d’environ soixante (60) dont les plus nombreux sont ceux des groupes Banda, Gbaya et rameaux oubanguiens. Sous la colonisation française, chaque oubanguien était identifié par rapport à sa coutume car la carte nationale d’identité faisait ressortir expressément : coutume Banda, Gbaya, Manja, Banou, Ngbaka, Ali, Mbati, Sango, Goura, Rounga, Kara, Youlou, Sara, etc… etc... En témoigne la carte nationale d’identité de Monsieur BOUKANGA Auguste dont photocopie ci-jointe. En 1962, le Président de la République promulgua une loi adoptée par l’Assemblée Nationale et portant Code de la Nationalité. Dorénavant, tout Centrafricain de souche est identifié par rapport à sa nationalité et non plus à sa coutume. Cependant des personnes émigrées peuvent acquérir la nationalité Centrafricaine soit par naturalisation, soit du fait du droit du sol (jus soli). Au grand jamais, il n’a existé en République Centrafricaine une tribu ou coutume dénommée « musulman ».

 

Monsieur Boukanga oubli de mentionner que sous le vocable « musulman » ou « groupe dit islamisé »(P. Kalck) se cache plusieurs ethnies ; outre les Kara, Rounga et Goula déjà cités, il faudrait ajouter les Haoussa et assimilés , Peuls ou Foulata, Bornou, ouddaïens et Salamat. A cette liste, ajoutons quelques grandes familles dont la présence remonte au début de l’occupation coloniale du pays centrafricain (XIXe siècle). Il s’agit des familles SECK, GUEYE, SIBY, SILLA, BADAMASSY.

 

L’habitude acquise de longue date durant la période des chicottes et des travaux forcés consiste chez certains lettrés ou semi-lettrés oubanguiens, coptés par l’administration coloniale (mission catholique comprise), à passer sous silence la présence des sujets musulmans. Cette ségrégation dolosive a pu être pertinemment critiquée par la doctrine (Bachir Walidou Modibo, 1991) et le Professeur Noure MOUKADAS dans son livre à paraître incessamment sou peu.

 

Monsieur Boukanga insiste « au grand jamais, il n’a existé en République Centrafricaine une tribu ou coutume dénommée musulman ». Et pourtant dans la réalité de la vie quotidienne et dans l’inconscient collectif des centrafricains d’en-bas, ces musulmans là sont assimilés à une « tribu ». Le conflit en cours actuellement n’est-il pas la résultante des jappements de haine et du rejet du musulman ? Vaste sujet.

 

Je consens que cette assimilation musulman-étranger remonte à l’époque coloniale. La ruse coloniale consiste à ignorer une communauté susceptible de menacer ses intérêts comme ce fut le cas des Juifs en Algérie ou des Tutsis au Rwanda. L’école coloniale inculque alors « l’amour du colonisateur et la haine de soi » (Albert Memmi, 1955-1956) au point que « l’ambition première du colonisé sera d’égaler ce modèle prestigieux, de lui ressembler jusqu’à disparaître en lui » (A. Memmi). C’est dans cette optique qu’il faut comprendre l’ouvrage « Histoire centrafricaine. Des origines à 1966 » de Pierre Kalck. Cet ouvrage est la « référence » par excellence des intellectuels centrafricains, à quelque exception près cependant de Pr Yariss Zocktizoum. Pierre Kalck n’accepte que ce brillant historien centrafricain critique les insuffisances de son livre. Et depuis, l’université de Bangui est restée muette.

 

Du côté du gouvernement on aurait pu instituer une commission scientifique composée d’historiens et des spécialistes en tous genres, chargés de rédiger « l’Histoire générale de Centrafrique. Des origines à nos jours » comme l’ont fait les intellectuels du Togo et du Congo-Brazzaville.

 

Ce travail est à faire ; il est utile pour la postérité, car il va soigner l’amnésie historique (cet oubli de l’autre) qui frappe notre pays.

 

Dans le cadre du référendum du 28 septembre 1958, Boganda a fait publier dans un document électoral « Sesse so ayeke ti zo voko. Oui, mbi ye da » (traduction : cette terre appartient aux Noirs. Oui, j’accepte). Et nous connaissons la suite. Le « OUI » a triomphé.

 

Toute la confusion vient de ce qu’est gravé dans notre hymne national que la République centrafricaine est le berceau des Bantu. Et les Noirs non Bantu de l’Afrique Centrale ?

 

Le Secrétaire Général des Nations Unies n’est pas un juge centrafricain pour juger de la centrafricanité d’un sujet musulman. Mais il sait que dans ce pays vaste comme trois fois sa Corée natale, il existe des centrafricains de toutes confessions qui sont représentés à l’ONU par un représentant désigné. Et l’article 2 de la charte des Nations Unies l’interdit de se mêler de la souveraineté d’un Etat membre.

 

DANGABO MOUSSA

 



15/05/2014

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