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RCA : l'heure de la justice a sonné !

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L'organisation des Nations Unies s'est enfin décidée à porter le fer dans la plaie sanguinolente centrafricaine. Au regard des violences et exactions qui se perpétuent, le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé d'épingler trois personnalités centrafricaines à son tableau de chasse. Il s'agit de :

 

-        François Bozizé, le président déchu de la République centrafricaine, perçu comme le coordinateur des milices anti-Balaka ;

-        Lévi Yakité, ancien conseiller pour la jeunesse de l'ancien président déchu, convaincu d'être le fournisseur des milices anti-balaka  comme détaillant des machettes criminelles ;

-        Nourredine Adam, ancien numéro 2 de l'ex-Séléka, accusé d'être la cheville ouvrière du trafic des fonds en faveur de la rébellion et d'avoir instrumentalisé le Comité de défense des acquis démocratiques (CDAD), la politique du régime de Djotodia, pour commettre des actes de tortures, des arrestations arbitraires et des exécutions sommaires à caractère extrajudiciaire.

 

1 – Il faut aller encore plus loin.

 

Dans un pays soumis à l'impunité depuis des décennies, ces trois mises en accusation ouvrent des perspectives de justice en faveur des victimes des diverses exactions criminelles commises en RCA.

Il faut aller encore plus loin en puisant dans le « bestiaire » de chaque clan. En visant nommément ces trois personnalités, les décisions de l'Onu soulèvent un regret et entretiennent des frustrations.

 

Le regret concerne la nature des sanctions envisagées par l'instance internationale : gel des avoirs et interdiction de voyager.

Le gel des avoirs peut-être efficace à plus ou moins brève échéance, même si les personnalités visées peuvent toujours recourir à la bienveillance de quelques présidents africains plus portés vers l'entraide entre pairs que vers l'arbitrage judiciaire.

 

Il n'en va pas de même pour l'interdiction de voyager ; des personnalités politiques africaines de premier plan, soumises aux mêmes restrictions, continuent encore de narguer la communauté internationale en voyageant impunément d'un aéroport à un autre, sans craindre l'extradition.

 

Les frustrations concernent le nombre des personnes mises en cause, soit trois personnalités. D'autres noms semblent être passés sous silence ou avoir échappé  aux investigations des enquêteurs de l'Onu. Il en est ainsi de tous les « généraux et colonels » de l'ex-Séléka, lesquels ont pris le pouvoir  par la force, partagé les crimes commis par leurs troupes respectives ou refusé assistance et protection à populations en danger.

 

Il en va de même du côté du clan Bozizé où on peut s'étonner de l'absence de ses fils, neveu et principaux ministres et premiers-ministres, susceptibles tous de répondre des chefs d'accusation de complicité de crimes contre l'humanité, d'assassinats, de recel de cadavres, ou tentative des mêmes faits.

 

Enfin, il est curieux qu'aucune personnalité n'aura été désignée ou inquiétée parmi les caciques du MLPC, le mouvement de libération du peuple centrafricain de l'ancien président Ange-Félix Patassé, dont on sait qu'ils ont été les premiers à introduire en Centrafrique les éléments rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, lesquels éléments ont commis des crimes atroces que tout le monde à encore en mémoire. Il faut croire que l'amnistie générale acquise en 2008 vaut absolution, alors que certains de ces caciques tiennent encore des rôles et une place dans les cercles aujourd'hui au pouvoir.

 

On comprend dès lors la signification du communiqué du MLPC, publié dès l'annonce de ces sanctions et qui prend acte, « avec satisfaction et soulagement », des décisions de l'Onu.

Ils sont soulagés de ne point y figurer.

 

2 – Blanche-Neige, Blanche-Rose et Blanche-Colombe...

 

Réagissant aux propositions de sanctions prises à leur encontre par l'Onu, deux des personnalités visées rejettent ces accusations et, déjà, clament leur innocence, même si personne n'est dupe de leurs simagrées. Dans ce registre, le dénommé Yakité joue la blanche colombe, se décrivant en « rat d'église », c'est-à-dire n'ayant aucun sou vaillant ! Autant se demander avec quoi il vit à Paris. Comble de l'ignominie, ce dernier se considère comme la victime d’une injustice, accusant les membres du du Conseil de sécurité d'être jaloux de sa popularité. « Le peuple centrafricain fonde son espoir sur nous », clame t'il. On aimerait bien le voir défendre cette position devant la Cour criminelle de Bangui !

 

En ce qui le concerne, le président déchu François Bozizé a depuis longtemps dénié tout procès le concernant, estimant qu'on tentait de l'exclure des prochaines élections présidentielles. Il feint donc d'oublier que la constitution de décembre 2004 , élaborée à sa demande et promulguée par ses soins, lui interdit de viser un troisième mandat. C'est Blanche-Neige au pays des sept nains.

Même pas honte !

 

Quant au taciturne « général » Nourredine Adam, rien ne le déride. Il promène sur le visage l'austérité d'un portail pénitentiaire. Tel Vulcain, il est le programmateur des basses œuvres de la  police politique du régime Djotodia et de ses dérives : tortures, enlèvements, détentions arbitraires, etc.

 

On l'affirmait ces derniers jours du côté de N'Délé où les anciens « officiers » de l'ex-Séléka tenaient garnison. Ils ont décidé de se réorganiser, portant à leur tête un duo inconnu : les « généraux » Joseph Zoundeko et Al Khatim, un chrétien et un musulman ? Le symbole vient trop tard et ne trompe personne.

 

En mettant à l'écart les anciens « généraux et colonels » impliqués dans les exactions du régime Djotodia, - Mohamed Moussa Dhaffane, Issa Issaka, Abakar Sabone, pour ne citer que ceux-là -, les nouveaux venus tentent de soustraire ces derniers aux investigations des enquêteurs de la Cour pénale internationale. C'est peine perdue.

 

La Séléka ayant été dissoute en septembre 2013 par le président transitoire Michel Djotodia, on s'interroge sur cette remise en selle précipitée des anciens maîtres de Bangui et cette réorganisation dont l'objectif est très clair, si l'on en croit le « colonel » Djouma Narkoyo, ancien gendarme de 2ème classe bombardé directeur général de la gendarmerie nationale sous la rebéllion: « Nous voulons aussi mieux sécuriser notre région et protéger la population dans les huit districts que nous contrôlons ».

 

Comment le gouvernement de transition peut-il accepter cet état de fait, la naissance d’un Etat dans l'Etat ? Pourquoi la communauté internationale tolère en Centrafrique ce qu'elle réprouve en Ukraine ?

 

La supercherie serait très grosse si la Présidente Samba-Panza venait à entériner cette situation. Ces contorsions sont contraires au texte de la Charte constitutionnelle de transition et n'ont qu'un seul but : bénéficier de quelques postes supplémentaires au gouvernement, et installer les ex-Séléka dans la durée et le paysage politique centrafricain afin de leur garantir l'impunité. Les anti-Balaka ont compris cela et programment déjà leur propre « congrès ». Accepter cela relève du parjure et de la trahison.

 

3 – La mariée était trop belle !

 

Adulée par l'ensemble des commentateurs au moment de son élection à la tête de la transition, Mme Catherine Samba-Panza a perdu de sa superbe après cent jours à la tête de l'Etat centrafricain. La Cendrillon de Bangui ne fait plus rêver ses compatriotes, même si elle conserve un succès d'estime auprès de la communauté internationale. Les raisons de cette descente au purgatoire sont multiples et variées :

 

-          persistance des violences contre les personnes et les biens,

-           sédentarisation des personnes déplacées sur des sites toujours provisoires,

-           inefficacité et amateurisme du gouvernement de transition,

-           népotisme d'un cabinet personnel pléthorique et vain,

-           atonie économique,

-           absence de projet politique, la feuille de route du gouvernement vient à peine d’être présentée devant le Conseil national de transition,

-           etc.

 

Admettant toutes ces critiques il y a une semaine déjà, la Présidente de transition a promis un réaménagement technique de l'équipe gouvernemental et de son cabinet. Cette reprise en main  tarde à se manifester. A ce jour, la réforme promise se fait attendre et la Présidente tergiverse, temporise, spécule. Le gouvernement de transition est comme un rameur tombé à l'eau qui se noie, pris de vertige devant l’immensité océanique de la tâche.

 

En réalité, la Présidente est l'otage des forces conservatrices de son entourage. Ces passe-murailles ont traversé tous les régimes et participé à tous les gouvernements depuis Ange-Félix Patassé jusqu'à Michel Djotodia, en passant par les différents cabinets de François Bozizé. Ils jouent désormais les plombiers de service et tempèrent l'ardeur de leur cheftaine. Ils tentent ainsi de maintenir leur position et privilèges, prêts à toutes les compromissions pour rester dans les allées du pouvoir.

 

Cette attente qui se prolonge fait cependant craindre le pire : l'entrée au gouvernement des membres des milices anti-Balaka et des rebelles de l’ex- Séléka.

 

Le jeu de balancier qu'entretient la Présidente entre ces deux forces criminelles, lesquelles ont endeuillé la République Centrafricaine durablement, est un mauvais signal envoyé à la jeunesse du pays : une arme à la main serait un viatique plus profitable qu'un diplôme universitaire ou, somme toute, un métier plus honnête !

 

Si telle est la décision qui sera prise, la Présidente de transition prendrait le risque historique d'hypothéquer pour des décennies le destin de la Nation. Non, les forces du mal que sont les anti-Balaka et les ex-Séléka doivent être tenues éloignées des instances dirigeantes de ce pays, aussi longtemps que la justice centrafricaine n'aura pas établie les responsabilités de chacun de leurs membres dans le drame qui a fait basculer le pays dans l'horreur de la haine et de la barbarie.

 

En la circonstance, Madame la Présidente ne peut jouer son « Ponce-Pilate ».

 

Il appartient désormais au gouvernement de transition de diligenter les enquêtes préliminaires permettant d'identifier tous les criminels qui ont mis le pays à feu et à sang, indépendamment des responsabilités particulières de leurs chefs présumés.

 

Paris, le 12 mai 2014

 

Prosper INDO



14/05/2014

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