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Qui est Anders Kompass, le diplomate suédois qui a révélé les viols en Centrafrique ?

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[ Par Anne-Françoise HIVERT (de notre correspondante en Scandinavie) |Mis à jour|9 juin 2015 ]

 

Employé modèle pour ses défenseurs, l''homme qui a enquête pour les Nations unies fait l'objet d'une enquête administrative.

 

Il est l’homme par qui le scandale est arrivé. En juillet 2014, Anders Kompass, qui occupe le poste de directeur des opérations au Haut Commissariat aux droits de l’Homme à Genève, transmet un rapport de six pages, intitulé «Abus sexuels sur des enfants par les forces armées internationales», à la mission permanente française auprès des Nations Unies. Une douzaine d’enfants, âgés de 8 à 15 ans, originaires de Centrafrique, y témoignent des viols dont ils ont été victimes de la part de soldats français, tchadiens et guinéens, participant à l’opération «Sangaris», entre décembre 2013 et juin 2014.

 

De ce diplomate suédois, âgé d’une cinquantaine d’années, suspendu par sa hiérarchie en avril, puis rétabli dans ses fonctions début mai par le Tribunal du contentieux des Nations Unies à New York, on ne sait pas grand chose. Si ce n’est qu’il fait l’objet d’une enquête administrative et que son supérieur, le haut commissaire aux droits de l’Homme, Zeid Ra’ad al-Hussein l’accuse d’avoir agi sans en informer sa hiérarchie et d’avoir mis la vie des victimes en danger, en laissant leurs noms dans le rapport transmis à la France.

 

 

«Il obéit loyalement»

 

Alors fonctionnaire incompétent qui mérite sa mise à pied ou lanceur d’alerte sacrifié pour son intégrité ? Si certains au sein de l’organisation onusienne ne ménagent pas leurs efforts pour discréditer le diplomate, Stockholm s’offusque du traitement qui lui a été réservé. L’ambassadeur suédois auprès des Nations unies aurait même menacé de réduire la contribution de son pays au budget du Haut commissariat aux droits de l’Homme, si sa suspension n’était pas immédiatement levée.

 

La photo publiée partout le montre le cheveux blond grisonnant, en costume-cravate, devant le drapeau bleu ciel des Nations Unies. Depuis l’article publié dans le journal britannique The Guardian, qui a révélé l’affaire, Anders Kompass ne s’est pas exprimé. Le diplomate Pierre Schori, ex-ambassadeur suédois aux Nations Unies et envoyé spécial de l’organisation onusienne en Côte-d’Ivoire, le déplore : «On lui a interdit de parler pendant l’enquête, alors il obéit loyalement et continue de ne rien dire, pendant que son chef se répand en critiques dans la presse. »

 

C’est lui qui a recruté Anders Kompass au début des années 80. Proche du Premier ministre social-démocrate Olof Palme, assassiné en 1986, Pierre Schori est alors directeur de cabinet au ministère des Affaires étrangères. Anders Kompass, qui se destine au pastorat, travaille en Amérique Latine, depuis quelques années. Le jeune homme d’une vingtaine d’années est arrivé un peu par hasard au Guatemala en 1975, en pleine guerre civile, et n’en est jamais reparti. L’humanitaire est devenue sa nouvelle vocation.

 

Dans l’hebdomadaire suédois Fokus, qui vient de lui consacrer un long portrait, ses collègues et ceux qui l’ont fréquenté le décrivent comme «quelqu’un d’engagé et d’intrépide» : un homme «extraordinairement doué», selon son ancien professeur de philosophie, avec des dons «d’analyste et de stratège», raconte une infirmière qui a travaillé avec lui au Costa Rica, et une très longue expérience du terrain, précise une diplomate.

 

Pierre Schori assure qu'«il a eu un rôle opérationnel instrumental dans le processus de paix en Amérique Centrale, dans les années 80. Il allait chercher des commandants guérilleros dans la jungle pour les conduire jusqu’à la table des négociations. Il a aussi joué un rôle déterminant dans la libération de la fille du président salvadorien Duarte, qui avait été kidnappé par la guérilla, en permettant à des soldats blessés de venir se faire soigner en Suède. »

 

«L’ONU fonctionne comme une clique»

 

Anders Kompass, cependant, fait l’objet d’une autre enquête, menée par l’Office d’audit interne de l’ONU (OIOS). Il est soupçonné d’avoir été instrumentalisé par le Maroc pour empêcher une enquête sur la situation des droits de l’homme au Sahara occidental. Des accusations non fondées, selon Pierre Schori : «L’ONU fonctionne comme une clique de vieux copains, qui souffre du syndrome de la Fifa. Dés que quelqu’un émet une critique, on l’attaque.»

 

La Suédoise Inga-Britt Ahlenius, qui a dirigé l’OIOS de 2005 à 2010, approuve : «Anders Kompass est exactement le genre d’employé que l’ONU devrait s’efforcer d’avoir. Mais la direction de l’organisation est faible et inefficace. Il y a une obsession des fuites. On ne veut pas de mauvaises nouvelles.» Pourtant, dit-elle, le Suédois a agi selon la procédure : «Il a remis le rapport au pays qui avait juridiction sur les troupes mises en cause, après des mois où personne n’avait réagi.»

 

©LIBERATION

 

 

 

 



09/06/2015

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