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COUP DE GUEULE PASSAGER : Le Tchad menace de retirer toutes ses troupes de Centrafrique

LE MONDE | 07.04.2014 à 10h58 • Mis à jour le 07.04.2014 à 10h58 | Par Alexandra Geneste (New York, Nations unies, avec Nathalie Guibert à Paris)

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Le Tchad va-t-il, comme il l'a dit, retirer toutes ses troupes de la République centrafricaine (RCA), au moment où le pays espère un soutien international plus fort pour sortir du chaos ? L'affaire embarrasse l'ONU, quatre jours après l'annonce d'un départ du principal contingent de la force internationale de soutien à la RCA, pour l'heure sous conduite de l'Union africaine (Misca).

Quelque 200 premiers policiers et militaires tchadiens ont quitté Bangui vendredi 4 avril. Dans la capitale, la présence tchadienne était source de tensions. Mais bon nombre de diplomates à New York se disent inquiets des retombées d'un retrait plus large. Les Tchadiens forment le plus gros contingent de la Misca, avec 850 hommes sur 6 000. Prise sans concertation, « la décision de N'Djamena a pris tout le monde de court », explique une source diplomatique.

Cependant, cette source reproche à l'ONU d'avoir été « un peu vite en besogne, en rendant publique une enquête avant même de l'avoir achevée ». Vendredi, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme à Genève a accusé les militaires tchadiens d'avoir tiré de façon indiscriminée « sur un marché bondé de civils non armés », et ce, sans avoir été provoqués. Au cours de ces violences, le 29 mars à Bangui, au moins 30 personnes ont été tuées et 300 autres blessées, dont des enfants et des femmes enceintes.

« COUP DE GUEULE PASSAGER »

Cette information a été démentie par le Tchad. Elle contredit la version des faits livrée par la Misca et le gouvernement centrafricain, selon qui les Tchadiens ont répliqué à une attaque à la grenade des milices chrétiennes anti-balaka.

D'après une source proche du dossier, l'enquête de l'ONU se base sur des informations fournies par des victimes et des témoins. Aucun militaire n'aurait été interrogé, et les Tchadiens n'auraient pas été consultés. Les enquêteurs désignent des soldats de la garde nationale tchadienne présents sur les lieux. Une source française précise cependant que la réaction, « totalement disproportionnée », des soldats tchadiens, émane bien d'éléments du contingent de la Misca.

Il s'agit du plus grave incident impliquant des troupes étrangères en RCA depuis le renversement, en mars 2013, du président François Bozizé par la Séléka, une coalition à dominante musulmane. La décision tchadienne est interprétée par des diplomates comme un « coup de gueule passager » du président Idriss Déby, piqué au vif par les critiques répétées de l'ONU à l'égard des troupes de son pays. Celles-ci sont accusées de partialité en raison de leur proximité avec les ex-Séléka, et d'exactions envers des chrétiens anti-balaka. Pour ces raisons, l'ONU ne semble pas disposée à donner aux Tchadiens le label des casques bleus dans l'opération de maintien de la paix qui est en préparation en RCA.

Selon des sources françaises, M. Déby entend aussi manifester sa désapprobation face à l'action de la présidente par intérim de la RCA, Catherine Samba-Panza, qui ne parvient pas à protéger les musulmans dans le pays. Une difficulté, à l'heure où Paris souhaite voir le Tchad continuer de s'impliquer dans le fragile processus politique en cours en RCA.

VIDE SÉCURITAIRE

Pour les organisations humanitaires, le retrait des Tchadiens sera synonyme de vide sécuritaire. « La présence des Tchadiens ne peut se faire au prix de violations répétées des droits de l'homme, juge Philippe Bolopion, directeur auprès de l'ONU de Human Rights Watch, mais leur départ n'est pas une bonne nouvelle pour la population musulmane du Nord, menacée. » Pour ce responsable de l'ONG, « plutôt que de claquer la porte, une réaction honorable du Tchad aurait été de suspendre les troupes responsables de crimes graves ».

N'Djamena assure que le départ se fera en concertation avec l'Union africaine et que le « Tchad assurera sans faille sa mission de paix dans les zones relevant de sa responsabilité ». A New York comme à Paris, on estime que cela ne devrait pas trop gêner les capacités opérationnelles de la Misca, d'autant que des renforts européens et onusiens sont attendus dans les prochains mois. Les 2 000 soldats français de « Sangaris » n'étaient pas engagés dans des manoeuvres conjointes avec le contingent tchadien et la force continue son déploiement prévu dans l'est, précise Paris.

Mais le retrait risque d'être présenté comme une victoire par les anti-balaka, ce qui pourrait raidir encore le mouvement, relève-t-on à Paris. Le projet de résolution français en faveur du déploiement de casques bleus en RCA mi-septembre doit être soumis au vote du Conseil de sécurité cette semaine.



09/04/2014

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