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Centrafrique : plus rien ne sera jamais comme avant !

 [ Par Roger ANDJALANDJI|Mis à jour|29/06/2014]

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La crise sécuritaire qui déchire la République Centrafricaine est un séisme avec des lignes de fractures multiples - militaires, structurelles, institutionnelles, sociétales... - dont certaines conséquences semblent complètement échapper à la classe politique. Classe politique qui risque pourtant d'en faire les frais à très court terme.

Vu de l'étranger, de France notamment, l'inamovibilité des schémas et des hommes de tête, est encore de mise. Ceux dont on souhaite l'arrivée au pouvoir, en février 2015, sont invités sur les plateaux de télévision, à Paris, accueillis dans les médias, d'où ils délivrent un discours de consensus, calibré, classique et propre.

Vu d'ici, les choses sont d'une tout autre nature. Les Centrafricains n'ont pas la télévision, donc ils ne la regardent pas. Rares sont ceux qui ont une radio, et quand ils en ont une, ce qu'ils écoutent, ce qu'ils privilégient, se sont les radios locales qui les informent des mouvements de colonnes armées, de la présence de coupeurs de routes ou de nouveaux massacres... Ce qu'ils lisent, ce sont les journaux locaux, vendus 300 FCFA, qui circulent de main en main, et qui rendent compte de la réalité du pays. Le Peuple Centrafricain ne voit pas ces agitations parisiennes.

Comment le pourraient-ils ?

Non, ce qu'ils voient, c'est une situation chaotique, un pays livré à la violence, à la barbarie, aux crimes... Une violence brute, qui, quand elle cesse, laisse place à la faim, à la maladie et à la misère.

Ce qu'ils voient surtout, mieux qu'un feu géant qui brûle la brousse la nuit, ce sont les absents.

Et depuis quelques mois, ils voient aussi et surtout un homme seul.

Un homme qui semble avoir compris qu'en des heures aussi graves, ce ne sont pas les phrases pleines de componction prononcées à 5110 kilomètres de Bangui qui importent mais le soutien de terrain, la proximité avec un peuple qui souffre, la fourniture de médicaments de première urgence au centre de santé dont on dépend, la présence auprès des blessés et des familles. A Bangui. A Paoua, dans l'Ouham Pendé… Partout en RCA.

Les journaux centrafricains vendus 300 FCFA, et qui passent de main en main, ne s'y trompent pas. Le professeur Gaston Mandata N'Guérékata, puisque c'est de lui qu'il s'agit, y enchaîne les "Unes". Plus de 40 depuis janvier !

Les radios locales qui relaient chacun de ses faits et gestes, font la même analyse. Les dizaines de comités d'appel à sa candidature, qui multiplient les messages de soutien, et qui fleurissent chaque jour plus nombreux sur tout le territoire du Centrafrique, font un constat identique.

N'Guérékata est là, il agit. Où sont les autres ?

Cette question implicite renvoie nécessairement à la volonté de voir émerger une autre forme d'action politique. Pour les Centrafricains, le Professeur Gaston Mandata N'Guérékata est légitime pour parler puisqu'il agit. On attend qu'il parle. Il donne donc de la voix. Pour mettre le gouvernement devant ses responsabilités et lui demander des éclaircissements et des comptes, obligeant la primature et la présidence à bouger. A partir du terrain, le mathématicien mondialement reconnu, se penche aussi sur l'équation politique centrafricaine, offrant dès février, dans l'édition électronique du journal Jeune Afrique, une grille de lecture géopolitique fédéraliste.

La Fédération Bogandienne est réactivée, remise au centre du jeu. L'idée fait grand bruit. Tétanisés, les prétendants à la présidence restent immobiles et muets, puis se mettent à courir derrière ce modèle avec 5000 kilomètres et 6 mois de retard !

Les professionnels de la conquête du pouvoir commencent aujourd'hui à se dire que les vieilles recettes ne sont plus opérantes, que les accords de coulisses et les soutiens de Paris, n'y suffiront plus. Le peuple a trop souffert dans sa chaire pour croire encore aux belles paroles. Désormais, la RCA est entrée dans l'air du donnant / donnant. :

Tu travailles, tu aides le peuple, le peuple te soutient. Tu parles, tu promets ; le peuple t'ignore.

Alors, les agités de la conquête copient, organisent à la va-vite des distributions de médicaments sans demander ce qui manque et où sont les besoins. Parlent de création d'une fédération des états d'Afrique Centrale sans avoir réfléchi au périmètre, aux possibilités et obstacles... Ils courent. Ils courent, en rage de voir leurs anciennes tactiques foutues en l'air, se disant en maugréant que c'était plus simple avant !

 

Oui, mais désormais, plus rien ne sera jamais comme avant !

 

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Roger ANDJALANDJI

Sociologue, Paris-France

 

 



01/07/2014

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