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République Centrafricaine : l'accord et l'esprit de Brazzaville.

 [ Par Prosper INDO  |Mis à jour| samedi 9 août 2014]

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L'encre des signatures n'a pas encore séché que, déjà, se lève le vent de scepticisme de ceux qui ne croient pas à l'application des accords signés le 23 juillet dernier à l'issue du Forum de Brazzaville. Les sceptiques ont raison de douter, si l'on considère la suite des évènements nés des accords de Libreville du 11 janvier 2013, voire des accords de Libreville de 2008.

Voilà pourquoi la France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, a appelé tout de suite « au respect de la parole donnée », celle des signataires de l'accord de cessation des hostilités. Sera-t-il entendu ?

Il faut l'espérer si la RCA veut sortir du cycle des violences et exactions ethniques ou interconfessionnelles pour se reconstruire.

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I - Que dit l'accord de Brazzaville.

 

On peur résumer en deux points essentiels l'issue des négociations :

 

  • cessation des hostilités et mise en œuvre du désarmement ;
  • poursuite du dialogue politique inclusif afin d'assurer le succès de la transition devant conduire aux élections.

 

A première vue, rien de très difficile ni d'irrémédiable. Dès lors, pourquoi tant de craintes exprimées quant à la validité de cet accord et à l'engagement des acteurs, comme l'a exprimé à sa manière le groupe de travail de la société civile centrafricaine ?

 

Les raisons de ces craintes sont sans doute multiples mais elles concernent en particulier le profil des acteurs et signataires de ces accords pris séparément. Il faut les examiner avec précision.

 

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1 – Les ex-Séléka.

 

Ils ne sont théoriquement plus une coalition hétéroclite militaro-politique. Ils se sont rassemblés en mouvement politique non armé au sortir de l'assemblée générale tenue à N'Délé, et ont créé le front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC). C'est un joli nom qui, pourtant, s'inscrit d'emblée en faux face à la demande de partition du pays présentée comme préalable au début des négociations de Brazzaville.

 

En réalité, le FPRC est encore un conglomérat de petits chefs de bande. Pas moins de 30 personnes composaient l'ossature vertébrale de la délégation du front au Forum. A Brazzaville, la délégation conduite par Mohamed Moussa Dhaffane, le numéro 3 de l'organisation rebelle, a étalé ses faiblesses et sa division, au point de refuser de participer aux différents ateliers qui devaient fixer les modalités des points inscrits à l'ordre du jour de la conférence.

Il n'est pas sûr que le mouvement demeure uni. Déjà l'aile militaire qui devrait logiquement être dissoute, représentée en la circonstance par le « général » Joseph Zoundeko ne reconnaît pas la signature de ses mandants. Elle en est toujours restée à la partition dont on sait qu'elle n'arrivera pas, sauf concession extraordinaire et illégitime de la présidente de la transition.

 

2 – Les anti-Balaka.

 

La signature des accords de Brazzaville de la part de cette partie des belligérants consacre d'abord la victoire d'un homme, Patrice Edouard Ngaïssona, le « coordonnateur » autoproclamé de ces milices. Ancien homme-lige du président François Bozizé, ce dernier ne paraît pas en mesure d'imposer son autorité à une nébuleuse aux contours mal définis, et dont la majorité des éléments militaires sont d'anciens membres de la Garde présidentielle de l'ancien régime, et l'autre partie constituée de phalanges civiles plus enclines au banditisme qu'à la bataille idéologique.

 

Le nommé Ngaïssona n'est que le porte voix de l'ancien président déchu et l'exécuteur zélé des consignes prodiguées par l'entourage composite de ce dernier, ses fils et anciens collaborateurs : Jean-Francis Bozizé, Lévy Yakité, Willybiro-Sako, Josué Binoua, etc.

 

3 – Les autres groupuscules armés.

 

A côté des deux grandes coalitions armées ci-dessus, il faut également recenser quelques groupuscules disparates, six au moins que nous distinguerons par leurs initiales :  le FDPC d'Abdoulaye Miskine le déjanté ; le RJ du commandant Armel Sayo, l'ancien directeur de la sécurité du défunt président Ange-Félix Patassé ; le MLCJ d'Abakar Sabone, l'intégriste de la partition et créateur du mouvement de la jeunesse musulmane centrafricaine ; l'UFR du lieutenant-colonel Florian Ndjadder, fils du général du même nom qui devint chef d'état-major après la défection de François Bozizé ; le CPJP d'Abdoulaye Hissene devenu l'allié objectif de la présidente de transition dont il est le conseiller spécial, comme Jean-Jacques Demafouth l'ancien chef de l'APRD ; l'UFRF de Dieu-bénit Gbeyakikobe aussi anonyme que l'est son fondateur.

Ces instances n'ont ni objectif ni programme. Seul le ressentiment, l'esprit de revanche et le goût du lucre et l'appât du gain les animent. On peut craindre qu'ils ne puissent participer clairement aux efforts de désarmement, n'ayant aucun contrôle sur les factieux prompts à la dissidence qui leur font office de fantassins.

 

En face de cette palanquée de porteurs d'armes, siègent le gouvernement de transition de Madame Catherine Samba-Panza et les forces internationales, Sangaris, Misca et Eufor-RCA.

 

4 – Le gouvernement de transition.

 

Par ce terme générique, il faut comprendre l’ensemble des autorités de la transition. Leurs limites sont connues. Les autorités de la transition sont légales, mais elles sont illégitimes ; elles sont le résultat d’une cooptation politique née dans la confusion. Force est de constater qu’elles n’ont pas fait preuve par ailleurs d’un grand courage politique depuis leur installation, il y a de cela 7 mois. Jamais à l’initiative, sauf lorsqu’elles se sont fait forcer la main par le Médiateur de la crise centrafricaine, le président congolais Denis Sassou Nguesso, ou par la France et l’Union européenne, voire par les circonstances du terrain .

Affaiblies depuis deux mois par l’annonce prématurée d’un remaniement gouvernemental promis par la présidente de la transition, elles font craindre l’implosion.

En effet, les autorités de la transition s’endormiraient sur leurs lauriers si elles pensent que les ex-Séléka ont renoncé à leur objectif de partition de la RCA. Elles commettraient par ailleurs une faute politique lourde de conséquence si elles venaient à se méprendre sur les intentions du président déchu François Bozizé, dont l’objectif dissimulé est la reconquête du pouvoir.

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5 – Les forces internationales.

 

Sangaris, Misca et Eurofor-RCA n’ont pas jouer le rôle que leur conféraient les différentes résolutions successives du Conseil de sécurité des Nations Unies. Elles n’ont pas pu ou voulu s’imposer sur le terrain, jouant alternativement les ex-Séléka contre les anti-Balaka, et réciproquement. C’est ainsi que la présence des éléments de l’armée burundaises à Bangui n’ont pas empêché l’attentat islamiste contre l’église Notre Dame de Fatima. C’est ainsi encore que la présence des éléments de la force française de l’opération Sangaris à Bambari, où est établi l’état-major des ex-Séléka, n’a pas dissuadé les criminels de s’en prendre aux déplacés réfugiés dans l’enceinte de l’évêché Saint-Joseph du chef-lieu de la Ouaka. Ces morts innocentes n’ont pas non plus empêché le chef d’état-major des forces africaines de la Misca, le général camerounais, d’assister à l’assemblée générale des ex-Séléka à Birao, congrès au cours duquel le mouvement  de rébellion armé s’est transformé en force politique, le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), avec à sa tête tous les caciques de l’ancienne coalition rebelle : Michel Djotodia, Nourredine Adam, Mohamed Moussa Dhaffane, Abakar Sabone, etc.

La question qui se pose à ce niveau est simple : confusion des genres ou complicité objective des représentants des forces internationales ?

 

6 – La classe politique traditionnelle.

 

En face de ces cinq entités, la classe politique traditionnelle est atone et amorphe. Elle se divise en trois coalitions d’inégale importance ou plateformes politiques. Elle comprend d’une part l’alliance des forces démocratiques pour la transition (AFDT), le mouvement qui a succédé au FARE (front pour l’annulation et la reprise des élections de 2010), opposé à l’ancien président déchu François Bozizé, et d’autre part le groupe des partis travailliste, démocratique et républicain, affiliés à la mouvance du Kwa na Kwa, l’ancien mouvement présidentiel de soutien à François Bozizé, et, enfin, une ribambelle de micro-partis au pédigrée aussi confidentiel que le nom de leur créateur est ignoré du grand public.

La classe politique traditionnelle n’est pas impliquée dans la transition, ni en soutien ni en contradiction, se réservant de concourir demain pour les élections présidentielle et législative à venir ; les autres micro-partis n’ayant pas d’autres ambitions que celles de servir de faire valoir à la stratégie alimentaire de leurs fondateurs respectifs.

 

On voit mal l’accord de Brazzaville aller au succès, d’autant que cet accord, conclu sur l’honneur et l’engagement personnel du président Denis Sassou Nguesso, n’a prévu aucune disposition contraignante pour l’une ou l’autre des parties signataires qui viendraient à renier sa parole, sauf le délai de 45 jours au cours duquel le désarmement des troupes armées doit être conduit à son terme.

 

Cependant, le scepticisme relevé plus haut ne doit pas paralyser la transition. Bien au contraire, les inquiétudes exprimées par les uns et par les autres doivent conduire les autorités de la transition à accélérer celle-ci, au moins dans la mise en œuvre du désarmement de tous les éléments armés d’une part, et, afin de tenir les délais d’une élection présidentielle en février 2015, dans la poursuite du dialogue politique inclusif d’autre part, en prenant soin d’écarter toutes les personnalités convaincues de crime contre l’humanité ou faisant l’objet de mesures conservatoires de la part de l’Onu et de la Cour pénale internationale.

 

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II – Le désarmement des groupuscules armés.

 

Il ne s’agit pas d’une option politique. Le désarmement des factions rebelles et milices armées est une nécessité ou, comme l’a indiqué le Médiateur congolais de la crise centrafricaine, le président Denis Sassou Nguesso, une option purement technique qui demande méthode et organisation.

 

La méthode consiste à combiner le désarmement et la remise d’un viatique à chaque élément rendu à la vie civile, non point dans la nature mais à une adresse bien localisée. Il ne s’agit donc pas d’intégrer tous les éléments armés, miliciens ou rebelles, dans la future armée nationale centrafricaine, au risque de créer une armée mexicaine ou personne ne sait qui est qui.

 

La première observation que l’on peut tirer de cette considération est la propension de tout ce petit monde à l’auto proclamation dans les grades d’officiers ou d’officiers supérieurs, sans relation aucune avec leur aptitude militaire, à la guerre comme dans le commandement des hommes. Il convient de garder présent à l’esprit que la majorité des combattants rebelles de l’ex-Séléka étaient souvent des pisteurs formés par les officiers d’active des forces armées centrafricaines. Il serait curieux de voir ces derniers, qui ont des galons non en rapport avec un quelconque cursus militaire, commander à leurs anciens instructeurs restés dans les forces armées centrafricaines à des grades subalternes.

 

La même prudence doit être observée dans la situation des anciens membres de la garde présidentielle, dont on peut penser qu’il s’agit pour l’essentiel de militaires déserteurs, et dont le sort devrait être logiquement réglé par les juridictions militaires. 

 

Il importe donc de demander aux différents chefs rebelles le dernier listing de leurs effectifs à jours, de vérifier l’identité et la nationalité de chaque combattant, d’éditer la liste de tout leur armement, avant de procéder à leur désarmement d’abord, et à leur cantonnement ensuite. Il ne peut plus être question de procéder au cantonnement préalable des uns et des autres en les laissant en possession de leurs armes individuels ou armement lourd.

La logique voudrait que le combattant rebelle qui refuserait de se séparer de son arme y soit contraint, au besoin par la force.

 

La seconde étape du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion doit combiner les deux derniers termes de la trilogie : démobilisation et réinsertion.

Avant la procédure proprement dite de démobilisation, il convient de procéder à une enquête de personnalité : aptitude physique, niveau d’instruction ou de formation professionnelle, activité principale exercée avant l’intégration dans la rébellion ou les milices et, enfin, projet de vie ou d’avenir. L’intéressé désire t’il retourner dans son village et retrouver son activité antérieure, ou bien souhaite t’il suivre une formation professionnelle, dans quelle secteur ou branche ?

 

Il ne s’agit donc pas de lâcher les individus dans la nature, mais de les accompagner pas à pas dans leur retour à la vie civile. C’est à partir de cette enquête que doit se nouer les projets individuels de réinsertion ainsi que leurs coûts et leurs modalités de financement. Pour ce faire, le cantonnement des différents groupes rebelles devra s’effectuer à proximité des centres de formation ou d’instruction adaptés au profil des uns et des autres, sans nécessairement recourir à des regroupements par affinités combattantes ou ethniques ou régionalistes.

 

L’organisation du dispositif de désarmement, démobilisation et réinsertion doit être confiée aux forces internationales, Sangaris et Misca dans l’immédiat, puis l’Onu dans le cadre de l’opération de maintien de la paix à partir du 15 septembre prochain.

Il convient de ne plus confier le financement et le contrôle de ce dispositif, ni aux autorités de la transition ni aux différents chefs rebelles ou miliciens.

L’objectif du processus DDR est bien de rendre à la vie civile les combattants des anciennes rebellions, sans pour autant participer à l’enrichissement personnel de leurs chefs comme par le passé.

 

Enfin, dernière priorité du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion, le refus du démantèlement de l’Etat centrafricain ou sa partition. Les différents groupuscules rebelles ou milices n’auront pas à gérer  directement le processus DDR appliqué à leurs combattants, ni à prendre en charge l’administration du territoire où ils ont élu domicile ; la gestion du programme DDR relève du droit régalien de l’Etat centrafricain, associé aux institutions des Nations Unies.

 

III - Comment combattre le démantèlement et le démembrement de l’Etat centrafricain.

 

Lors de l’ouverture du Forum de Brazzaville, la question de la partition du pays a été posée comme préalable aux négociations par les représentants de l’ex-alliance Séléka. Il ne faut point se voiler la face, les risques d’éclatement de la RCA sont bien réels : deux années d’exactions et de représailles, des milliers de morts souvent à caractères confessionnels ou ethniques, des centaines de milliers de déplacés internes ou de réfugiés à l’extérieur des frontières de la RCA, tout cela a tissé des rancœurs, noué des haines, créé des frustrations.

Dès lors, la solution de facilité consiste à accepter l’hypothèse de la partition comme un pis-aller nécessaire. C’est la position préalable posée par l’ex alliance Séléka. Nous y reviendrons.

 

Les accords de Brazzaville n’ont pas abordé la question de la partition du pays et la subordonnent à l’organisation d’un dialogue politique inclusif inter centrafricain qui se déroulera à Bangui. Or la préparation de ce dialogue inclusif porte en germe les éléments de son échec futur. Parmi ces éléments, le plus évident, notoire, incontournable, semble être la pusillanimité du gouvernement de transition, dont la composition interne, à la fois incohérente et pléthorique, lui confère la légèreté et l’aisance d’un pachyderme dans un jeu de quilles.

 

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1 – L’imposture d’un « gouvernement de remerciement ».

 

Au soir du 100ème jour de sa présence à la tête de la transition, madame Catherine Samba-Panza avait fait comprendre qu’elle a tiré leçons des critiques formulées aussi bien contre la composition de son cabinet et celui du premier-ministre que contre celle du gouvernement, aussi pléthoriques qu’inefficaces les uns les autres.

 

Au lendemain du Forum de Brazzaville, à en croire l’ancien premier-ministre André Nzapayéké, aussi volubile qu’à l’ordinaire, on s’achemine vers un « gouvernement de remerciement ». Autrement dit, en échange de la signature des accords de Brazzaville, il s’agira « d’élargir le gouvernement pour pouvoir  y inclure la plupart de la classe politique et aussi les groupes armés ». C’est donc une compensation en échange des concessions obtenues auprès des signataires dudit accord.

 

Elargir un gouvernement déjà pléthorique, au regard de la situation économique et financière du pays, c’est pratiquer la politique de l’Arche de Noé. C’est une stratégie de simple survie, contraire à l’obligation d’un gouvernement de réformes et de relance politique.

Un tel attelage est toujours à le merci du moindre mouvement d’humeur ; il suffit que l’une des parties prenantes se sente moins privilégiée pour que le navire prenne du roulis et du tangage.

 

Le premier-ministre André Nzapayéké ayant été « démissionné » par la présidente de la transition, Catherine Samba-Panza, il appartient désormais à cette dernière de tenir le discours de vérité qui s’impose : le gouvernement de la République ne peut être constitué sur des critères de religion, d’appartenance régionale ou ethnique. Seules comptent : la compétence, l’intégrité, la loyauté.

 

2 – La partition et son échec avéré.

 

Jusqu’à ce jour, l’ex-alliance Séléka est le seul tenant de la partition de la République centrafricaine. Mais cette perspective n’est pas claire : certains réclament la partition entre le nord, supposé musulman, et le sud du pays, en majorité chrétien. D’autres pronostiquent un partage ouest-est, réclamant pour l’ex-Séléka les sept préfectures orientales de la RCA.

La partition en deux grandes entités ne peut aboutir, pour les raisons ci-après :

 

Il n’est pas sûr que le M’Bomou veuille faire sécession et se couper du reste de l’Oubangui, un fleuve n’est pas une frontière mais une voie de communication, de commerce entre les hommes et d’échanges ;

Il est peu probable que la Basse-Kotto souhaite être rattachée à un Etat islamiste, alors qu’elle est plus intimement liée à la province de l’Equateur ;

Il semble même exclu que les habitants du Haut-M’Bomou, les Azandé et Nzakara, descendants des sultans Rafaï et Zemio, acceptent une domination qui rappellerait sournoisement les razzia esclavagistes des 17 et 18ème siècles ;

Il n’est d’ailleurs pas certain que la Haute-Kotto soit disposée à un tête-à-tête exclusif avec la Vakaga et le Bamingui-Bangoran.

 

Dès lors, avec ces deux seules dernières entités coincées entre le sud du Tchad et l’ouest du Soudan, on voit mal cette nouvelle République constituée une entité viable. Elles seraient autonomes, certes, puisqu’elles ont été modelées par les excursions du sultan Sénoussi qui en avait fait son califat au début du 19ème siècle, mais peu viables politiquement, donc contraintes à l’alliance, soit avec le Tchad soit avec le Soudan.

Il est donc urgent pour les autorités de la transition de procéder rapidement à la réorganisation administrative du pays afin de faire échec à cette tentative de déstabilisation.

 

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3 – La fédération de l’Afrique centrale est une solution défaitiste.

 

Les partisans de cette option stratégique partent d’un constat lucide mais accablant. Nous les citons volontiers pour ne point trahir leur déchirement :

 

«  La République Centrafricaine n’est plus un Etat. Elle n’existe plus, de fait, car elle n’assume plus aucune des fonctions régaliennes qui définissent et encadrent la notion de souveraineté. Elle n’a plus ni police, ni justice, ni armée. Les fonctionnaires et l’administration centrale – payés par des pays tiers – ne sont plus en capacité de conduire leurs missions, la défense est assurée par des troupes multinationales, la santé est gérée par des organisations non gouvernementales étrangères, le pouvoir exécutif et législatif a été nommé… Non, rien ne nous rattache plus à la notion d’Etat, si ce n’est l’amabilité de nos interlocuteurs internationaux qui, pour ne pas nous humilier davantage, jouent encore le jeu du protocole ».

 

La charge est rude, mais la leçon est véridique et authentique !

 

Pour échapper à ce funeste destin, le rédacteur de cette sommation, le professeur Gaston Mandata N’Guérékata, ne voit qu’une option sans alternative : la création d’une fédération des Etats d’Afrique centrale sur la base de la communauté de la Cémac (communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, regroupant le Cameroun, le Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad).

Se référant à la vision prophétique de Barthélémy Boganda, président fondateur de la RCA, l’auteur justifie que « la fédération est un objectif vital qui, seul, peut assurer la stabilisation d’un territoire conçu à l’origine pour être associé à d’autres ».

 

Sans s’embarrasser des explications chronologiques et historiques qui expliquent l’échec des idéaux de Boganda en la circonstance, allons droit au but : la proposition de la fédération, dans les conditions actuelles, relève du défaitisme et de l’esprit de Munich.

Autrement dit, pour éviter la partition, allons résolument à l’effacement, à l’émiettement et à l’effritement. A partir d’un Etat virtuel, le Centrafrique d’aujourd’hui, fabriquons une province helvétique africaine où le Congo, le Cameroun et le Tchad, voire la République démocratique du Congo, instilleraient leurs particularismes nationaux respectifs. Tant qu’à y être, allons directement au démembrement du Centrafrique !

 

La fédération ne peut se concevoir qu’entre des Etats égaux, en droits et en obligations, mais volontaires et acteurs de leur propre décision. Il ne peut donc s’agir d’un mariage forcé, dont le coût serait exorbitant pour l’une des parties. Les autres peuples concernés sont ils prêts à pareil sacrifice ? On peut en douter lorsqu’on regarde les difficultés à faire vivre actuellement la Cémac, où aucun projet commun n’a encore jamais abouti.

 

Nous-mêmes sommes partisan de la régénération du vieux rêve de Barthélémy Boganda : la création des Etats-Unis d’Afrique centrale. Nous l’avons écrit il y a une dizaine d’années déjà. :

« Il ne s’agit pas de construire en Afrique centrale des Etats ethniques à configuration tribale homogène. Une telle stratégie conduirait très vite à un désordre généralisé, suscité par l’émergence micro-nations dépourvues de puissance et de capacité d’influence sur l’avenir. Ce serait commettre l’erreur de reconstruire 1492 à l’envers.

 

Au contraire, la situation en Afrique centrale réclame un dépassement : créer au cœur du continent noir une union d’Etats laïcs et démocratiques regroupant les actuelles républiques de langues latines. Un tel ensemble regrouperait les quatre Etats de l’UDEAC, auxquels viendraient s’agréger le Zaïre, l’Angola, le Rwanda et le Burundi ».

 

Nous ajoutions : « Pour atteindre cet objectif, deux lignes d’actions sont à construire :

  • Premièrement, la constitution d’une zone de libre-échange économique et commercial. Ce premier engagement peut être impulsé dès à présent sans attendre la fin des conflits locaux ; les pays en voie de démocratisation jouant le rôle de pôle d’entrainement de l’ensemble.
  • Deuxièmement, la création d’une véritable union fédérale disposant d’institutions propres au plan exécutif, législatif et judiciaire. Cette deuxième étape, beaucoup plus chargée de symboles politiques, sera certainement la plus difficile et la plus délicate à négocier.. Elle exige en effet que soit levée l’hypothèque que constitue pour les pays de la zone, la tutelle pesante, linguistique, culturelle et économique des anciennes puissances coloniales que sont la France, l’Espagne, le Portugal et la Belgique. »

 

Or, pour s’engager dans cette stratégie, il faut déjà que la RCA retrouve sa voie, son identité et sa souveraineté. Elle doit résister et vaincre les forces du mal, celles de la partition. Voilà la voie à suivre dans l’immédiat. Celle-ci dépend des acteurs politiques mais, malheureusement, les plateformes politiques existantes n’en prennent pas le chemin.

 

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4 – La voie de l’excellence et de la coopération.

 

Pour sortir la République centrafricaine de l’ornière, il y faut une volonté politique inébranlable, fondée sur deux principes :

 

  • la laïcité ; le gouvernement de la République ne peut se constituer sur des critères d’appartenance religieuse. Il n’est inscrit nulle part dans la Charte constitutionnelle de la transition que le premier-ministre centrafricain doive être de confession musulmane si le chef de l’Etat était issu d’une autre religion. Une telle proposition fait insulte à l’esprit de la démocratie.
  • La coopération ; le gouvernement de la République ne peut se satisfaire de la politique du tout ou rien. Il doit au contraire s’appuyer sur la collaboration de tous, sans pour autant assurer et garantir l’impunité aux responsables directs ou indirects des délits ou crimes contre l’humanité, commis contre les populations civiles centrafricaines, par les rebelles de l’ex-Séléka ou les milices anti-Balaka.

 

C’est au nom de ces deux principes que les partis politiques de gouvernement que sont le MESAN et le RDC doivent se tenir en dehors des combinaisons politiques conservatrices et circonstancielles, ou à l’écart des partis politiques qui ont fait appel à des forces étrangères, rebelles ou mercenaires, pour asseoir leur domination au pouvoir.

 

Le MESAN et le RDC doivent au contraire s’unir conventionnellement pour conduire la RCA sur le chemin du rassemblement populaire et de l’évolution sociale, afin de garantir le succès de la transition en cours. C’est leur seule planche de salut.

 

A une semaine du cinquante-unième anniversaire de la proclamation de l’indépendance, l’occasion est trop belle pour rater le coche ; c’est l’occasion d’une proclamation solennelle pour la Renaissance !

Il est cependant du devoir de Madame Catherine Samba-Panza, chef d’Etat de la transition, de reconquérir le droit à l’unité du peuple centrafricain. La balle est désormais dans son camp.

 

 

Paris, le 8 août 2014

 

Prosper INDO



12/08/2014

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