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Mobilisation internationale contre les Violences sexuelles dans les conflits

Un sommet mondial a réuni à Londres responsables politiques, experts et militants

[Par Annick Cojean|Mis à jour|15/06/14]

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Cent vingt-trois pays représentés, 80 ministres, 900 experts, des dizaines d'ONG, des  médecins, des juristes, des religieux... Jamais une conférence sur le sujet du viol, utilisé  comme arme de guerre, n'avait pris une telle ampleur. Jamais un rassemblement de décideurs, au plus haut niveau, n'avait manifesté l'ambition collective d'éradiquer un tel fléau.

 

Le sommet mondial organisé à Londres du l0 au l3 juin " pour mettre un terme à la violence sexuelle dans les conflits " s'est donc voulu historique. En proclamant solennellement une tolérance zéro pour ce qui est désormais reconnu comme un " crime international majeur ". En mettant en place un " protocole international " pour enquêter sur les faits, et faciliter les’ poursuites contre les auteurs. En affichant le souci de protéger et soigner les victimes, appelées dorénavant " survivantes ".

 

Pendant quatre jours, les témoignages, les études, les statistiques ont afflué, donnant la mesure d'un sujet longtemps considéré comme tabou mais bel et bien universel. Des récits de barbaries à soulever le cœur, comme ces viols pratiqués sur des bébés de moins de 2 ans, soignés récemment à la clinique du docteur Denis Mukwege en République démocratique du Congo (RDC). Des chiffres à donner le vertige : plus de 150 millions de petites filles (selon l'Unicef) victimes de violences sexuelles chaque année ; 36 femmes ou enfants violées par jour en RDC, 200 000 au moins depuis 1998 ; plus d'un demi-million en Colombie dans la dernière décennie, avec une forte aggravation entre 2011 et 2012 ; entre 250 000 et 500 000 pendant le génocide rwandais ; au moins 20 000 en Bosnie au début des années 1990 ; 20 000 au Kosovo. Sans parler du Sri Lanka, de la Somalie, du Liberia, du Soudan, de la RCA, de l’Egypte, de la Libye. ..

 

Des activistes syriens ont témoigné. A la fois des viols perpétrés dans les centres de détention secrets du régime de Bachar Al—Assad et des violences commises contre les femmes dans les camps de réfugiés hors Syrie. Partout, une même constance : l'impunité des auteurs et ordonnateurs des viols. Partout le même désespoir des survivantes, le plus souvent rejetées par leur famille. Partout la honte des victimes. L'injustice absolue.

 

” Insupportable "pour William Hague, le chef de la diplomatie britannique, choqué que ce drame aux conséquences transgénérationnelles soit le dernier à être pris en compte par ceux chargés de conclure les guerres et de reconstruire les nations. " Révoltanz‘ " pour l'actrice Angelina Jolie, envoyée spéciale du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui a souvent eu l'occasion de s'entretenir avec des survivantes, et sait combien l'impunité des violeurs rend l'apaisement des victimes impossible : " Ne disons jamais que la paix est plus importante que la justice. "

 

Il fallait donc une urgence — la situation horrifiante de la RDC de mieux en mieux relayée sur la scène mondiale. Mais aussi la volonté politique de William Hague et d'une poignée d'autres dirigeants, alliée au rayonnement médiatique d'une actrice sincèrement engagée dans la cause, pour que soient envisageables ce sursaut collectif et l'espoir d'un mouvement " irréversible ", comparable, selon le ministre britannique, à celui qui aboutit un jour à l'abolition de l'esclavage.

 

Finie la culture de l'impunité. La peur et la honte doivent changer de camp. Du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, en passant par la procureure auprès de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, tous les intervenants à la séance de clôture du sommet ont affiché la même foi.

 

C'est cependant le secrétaire d'Etat américain, John Keny, qui, par sa présence en pleine crise irakienne et son discours vibrant, a le mieux démontré que ” le sujet était devenu prioritaire dans l'ordre du jour des gouvernants ”, qu'il fallait ” forcer le monde à ne plus détourner le regard " sur un crime "qui avilit notre humanité collective ”, et que, " oui, on peut décider ensemble que le viol de guerre est illégal ”.

 

Pieux discours ? Non l, s'est-il récrié, rappelant des engagements féministes constants au long de sa carrière. Il a assuré qu'aucun visa américain ne sera accordé aux auteurs de viols de guerre, et à ceux, généraux ou chefs d'Etat, qui auront commandé ou laisse’ faire. ” J exhorte tous les dirigeants à faire de même. Pas d'asile pour ces criminels ! ” Aucun accord de paix ne sera imaginable s'il prévoit une amnistie sur les viols. D'ailleurs, les femmes devraient siéger à la table de résolution des conflits. ” Sans elles, pas de paix ni de sécurité durables. " Enfin il a annoncé, à l'instar du Royaume-Uni, un accroissement de dotations à l'intention des survivantes.

 

Comme un écho à l'initiative pionnière de la Libye qui, après avoir reconnu les victimes de viols comme des victimes de guerre, vient d'établir la structure chargée de leur accorder réparation. Une mesure suivie avec passion par les femmes de nombreux pays. Infime lueur d'espoir.

 
 

© Le Monde



15/06/2014

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