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En Centrafrique, la colère monte contre les forces internationales

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[Par Cyril Bensimon|Mis à jour|dimanche 1er juin 2014]-L'assassinat d'une quinzaine de personnes, mercredi 28 mai, dans l'église Notre-Dame de Fatima, a été le détonateur de la contestation. Il est encore difficile de sonder la profondeur du sentiment mais des milliers de manifestants ont exprimé, jeudi et vendredi, leur colère contre une partie des forces internationales déployées en République centrafricaine.

Parmi les revendications lancées sur le bitume de Bangui parsemé de barricades, le retrait du contingent burundais de la mission onusienne Misca et le désarmement de tous les groupes combattants, à commencer par les derniers miliciens du quartier majoritairement musulman de PK5.

 

« SANGARIS DÉGAGEZ ! SAMBA-PANZA DÉMISSION »

 

Comme les soldats tchadiens auparavant, le bataillon venu du Burundi est accusé de ne protéger que la communauté musulmane. Ses tirs à balles réelles, qui ont provoqué la mort, vendredi, d'au moins deux manifestants (qui « n'étaient pas tous mains nues », selon le général Martin Tumenta Chomu, commandant de la force africaine) n'ont pas amélioré sa cote de popularité auprès des protestataires.

La France et la présidente de transition, Catherine Samba-Panza, perçue comme sa « protégée », sont également vilipendées par une partie de la foule. Alors que le centre-ville, paralysé, s'est réveillé au son d'un concert de casseroles, des graffitis badigeonnés à la hâte (« Sangaris dégagez ! Samba-Panza démission ») sont apparus sur les murs. Des soldats français ont été visés par des tirs. Les forces internationales ont annoncé qu'elles réagiraient « avec la plus grande détermination à toute prise partie » de leurs soldats ou à des menaces contre des habitants.

Il y a six mois, Bangui attendait pourtant avec impatience le déploiement des forces françaises. La paix, espérait-on ici, était au bout du fusil des militaires français, censés connaître la Centrafrique sur le bout des doigts. La réalité s'est avérée bien plus complexe.

La Séléka au pouvoir et la minorité musulmane ont été les premières à contester l'intervention lancée en urgence le 5 décembre 2013. Bangui venait de connaître un assaut des milices anti-balaka et la contre-attaque féroce de la Séléka. La mission des militaires français, chargés d'appuyer les contingents sous mandat de l'Union africaine, ne pouvait commencer dans des conditions plus périlleuses. En lançant tout d'abord des opérations de désarmement et de cantonnement des combattants Séléka, les musulmans se sont retrouvés livrés à la vindicte des anti-balaka. Il y a quelques jours, une source officielle française reconnaissait sa crainte de voir un jour Paris subir « le faux procès d'avoir favorisé l'épuration confessionnelle en Centrafrique ».

« AUCUNE SOLUTION »

Alors que leur pouvoir de nuisance avait été sous-estimé, les groupes anti-balaka, le plus souvent mal armés, mal encadrés, désunis, sont devenus progressivement une source majeure de préoccupation, mais les effectifs manquent pour mener des actions de police. Leurs différents « coordonnateurs » assurent se tenir à l'écart des manifestations mais, selon plusieurs sources, des barrages en ville sont supervisés par ces miliciens.

Reste que si des hommes politiques tentent de profiter des évènements, le mouvement de ras-le-bol de la population est réel. Qu'importent les tirs de sommation des soldats africains de la Misca, les pierres qui entravent l'avenue Barthélémy-Boganda, José Perrière est venu partager une brique de vin rouge avec quelques amis. « Les gens en ont marre. Ils sont déçus. Ils voient toutes ces forces mais aucune solution », analyse l'homme d'affaires.

Passe alors Jean-Serge Bokassa en tenue sportive. Le fils de l'empereur est allé soutenir le mouvement de protestation. Il reprend à son compte les revendications exprimées. « Peut-être qu'on attendait trop de Sangaris », estime l'ancien ministre, dont la France avait installé puis déposé le père dans les années 1970.

 

©LeMonde



01/06/2014

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