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Centrafrique : ELUCUBRATIONS N°3

[ Par David KOULAYOM-MASSEYO |Mis à jour|25 janvier 2015 ]          BAMBARI.png
       3 . Des mines et autres richesses centrafricaines

      Plus de cinquante ans après l’indépendance, nous avons échoué à développer notre pays . Pour réussir ce développement, que dis-je, cette révolution, il faut penser autrement, faire la politique autrement .  Nous devons d’abord faire l’inventaire de nos richesses et envisager différemment notre future coopération internationale . Pour être plus concret, je dirais que nous savons que notre sol et notre sous-sol sont abondamment pourvus de richesses pour nous permettre de vivre décemment : tout ce qui est tropical peut pousser en Centrafrique . Tout le sud de notre pays est couvert de forêt primaire . Les bois de cette forêt font le bonheur des ébénistes du monde entier sauf celui du peuple centrafricain : les écoliers centrafricains manquent de tables, de bancs, de fenêtres, de portes, d’ardoises, de tableaux, de charpentes, de toitures . Ils sont obligés d’apporter leurs sièges et d’arriver très tôt pour assister aux cours . Les retardataires restent debout derrière les portes et les fenêtres béantes  pour noter les leçons du jour sur leurs genoux ou sur le dos d’un copain compatissant  . Le maître détient l’unique manuel qui lui permet de dispenser ses cours . Ne parlons même pas des autres outils didactiques ! Le parc des ordinateurs de l’unique université de Bangui ne dépasse pas vingt ordinateurs . Comment réduire la fracture numérique avec un si maigre parc informatique ?

      La savane et la forêt centrafricaines , paradis cynégétiques pourraient devenir de vrais pôles d’attraction touristique pour le pays au même titre que le Kenya , la Tanzanie ou l’Afrique du Sud . Encore faut-il cesser de massacrer les animaux, restaurer la sécurité, installer des infrastructures adaptées et éduquer les populations pour les impliquer dans cet écotourisme profitable à tous points de vue .

     Quant au sous-sol centrafricain, il est maintenant bien connu du monde entier depuis les révélations du Canard enchaîné sur les dons en diamants de l’empereur Bokassa à son « cher parent » Valéry Giscard d’’Estaing . Ce sous-sol qualifié  « d’anomalie géologique » qui continue celui du Congo, contient autres choses que des diamants : l’uranium de Bakouma à l’est, l’or de Yaloké, Bambari, Bossembélé, Bossemptélé…et le pétrole de Boromata . Un article récent parle de trente et huit minerais précieux recensés . Un autre annonce le chiffre étourdissant de quatre cents trente et huit indices de minerais ! La fourchette est très large . 

Puisque le peuple centrafricain ne mange ni or, ni diamant, ni uranium, ni pétrole, ni coltan , ni aucune autre matière première du sous-sol présente ou à venir, est-ce trop demander que de suggérer une autre politique de nos matières premières ? Je me contenterais de deux exemples pour laisser mes compatriotes décider librement de l’utilisation future de ces biens patrimoniaux . Tout le monde sait que le pétrole est une matière première polluante qui exige un transport particulier, onéreux et fragile . Dans ce cas, pourquoi ne pas confier l’exploitation de ce pétrole à une compagnie, un pays avec un cahier de charges rigoureux , qui offre aux Centrafricains toutes les garanties  de sécurité, une mise sur le marché d’une partie de ce pétrole pour une utilisation locale : pétrole lampant, essence, gasoil, produits dérivés pour les hôpitaux, goudron pour les routes, graisse, paraffine , plastiques divers … ? Et pourquoi ne pas envoyer une délégation en Norvège ( par exemple), étudier dans les détails, ce que les Norvégiens ont décidé de faire de leur pétrole aujourd’hui et demain ? Je pense à ce placement des revenus du pétrole dans les fonds d’investissements pour les futures générations . Bref, essayer de faire du pétrole centrafricain non pas cette matière première de mauvaise réputation mais un vecteur du futur développement centrafricain pour tordre le cou à la malédiction accolée au pétrole . Gouverner, c’est aussi prévoir .

     Deuxième exemple de matière première qui ne profite absolument pas aux Centrafricains : le diamant  qui est plus exporté en fraude par les pays voisins avec peu de retombées économiques locales  . Son exploitation est restée dramatiquement artisanale avec des méthodes archaïques d’un autre âge qui paupérisent davantage l’artisan centrafricain . Aucune banque locale n’est habilitée à soutenir spécifiquement le secteur diamantifère pour l’encourager à s’équiper de moyens modernes, aucune école ne forme les futurs artisans, les tailleurs de diamants et les collecteurs sont de braves gens, centrafricains et souvent étrangers qui disposent d’une mise de départ ou d’un bon entregent . Les prix d’achat sont fixés à la tête du client en fonction de son expérience, de ses aptitudes à négocier, de sa précipitation à palper un argent facile . Cet argent vite gagné est aussitôt dépensé dans les bars et dancings par les artisans entourés de leurs affidés  à coup de casiers de bière empilés pour épater la galerie . Certains artisans  se permettent même le luxe de payer une tournée générale à tous les clients d’un bar qu’ils traitent de « bande de souffris » . Cet argent si généreusement dilapidé en une soirée ne mérite -t-il pas un meilleur sort dans un pays démuni comme la RCA ? Les Centrafricains ne s’y trompent pas beaucoup quand ils regardent cet argent comme celui du diable . Ma deuxième solution consisterait à échanger ce diamant futile contre des écoles maternelles, primaires , des établissements secondaires, des universités, des instituts, des  dispensaires, des centres de soins, des hôpitaux, des routes . Si notre partenaire peut y ajouter du matériel agricole, des équipements sportifs, cela me conviendrait parfaitement . L’autre alternative pour le développement serait de troquer nos minerais contre une voie ferrée en X du Nord au Sud et d’Est en Ouest ou en toile d’araignée autour  de la capitale et qui aboutirait au port de Douala , notre cordon ombilical . Mais qu’en pensent mes compatriotes ?

      Sommes-nous condamnés à mourir bêtement assis sur des richesses comme l’uranium qui dépeuple tout l’Est sans profit immédiat, l’or et le diamant qui partent en contrebande, ou devons-nous , dans l’intérêt bien compris de notre nation utiliser ces richesses comme des tremplins pour rebondir et construire autrement notre pays ? Quel Centrafricain refuserait cette solution frappée au coin du bon sens ?

Le manioc constitue la base de l’alimentation des Centrafricains . Pourquoi l’argent du diamant ou de l’uranium ne financerait-il pas la recherche agronomique autour de l’amélioration du manioc et des principales ressources agricoles ? Combien de spécialistes du manioc, de la banane plantain, du taro, du mil, du fonio, de l’igname avons-nous à l’Université de Bangui et ailleurs ? Quels instituts agronomiques consacrent leurs travaux au « goussa », au « ngago » et au « gboutou » qui régalent quotidiennement les Centrafricains ? C’est une honte nationale de voir que le manioc est séché de manière totalement aléatoire au bord des routes, sur des affleurements rocheux en guise de claies ! Dans un pays tropical comme le nôtre, il n’y a pas pire solution que d’exposer ainsi ce produit vital au gré des intempéries . Mes compatriotes auront raison de me rétorquer qu’il est facile de pontifier sans apporter de solutions concrètes . A quoi je répondrais que je n’ai pas de solution à toutes les questions que je pose d’une part, et d’autre part la question interpelle tous les Centrafricains . Un seul homme n’y suffirait pas . Si seulement nous avions assez d’énergie pour en dévier une partie pour chauffer les claies ! C’est l’occasion de rappeler ici que la ville de Bangui est dominée par une chaîne de collines appelées Bas-Oubangui qui accueilleraient bien des éoliennes géantes pour suppléer les faiblesses des chutes de Boali à l’origine des délestages récurrents . D’autres chutes existent en dehors de celles de Boali . La troisième possibilité serait de se tourner vers l’énergie solaire où les Chinois sont en passe de damer le pion aux grandes nations occidentales . Osons le troc avec les Chinois pour apporter un peu de bien-être aux Centrafricains en équipant nos écoles, nos universités, nos hôpitaux, nos bureaux …en lieu et place d’un stade de vingt mille places qui jouxte l’Université de Bangui, qui ressemble à un grand lycée européen . La politique est avant tout une question de volonté . La RCA sera ce que voudront en faire les Centrafricains . Un gouvernement qui sacrifie sa jeunesse la condamne à succomber aux tentations des rebelles .

      La RCA n’atteint même plus ces quotas de production cotonnière, caféière et cacaoyère ! La première richesse du Centrafrique, ce sont d’abord les Centrafricains . Il faut leur apprendre à manger ce qu’ils produisent eux-mêmes au lieu d’attendre , on ne sait quelle manne céleste qui tarde à tomber ! Tout gouvernement qui ne garantit pas la sécurité ( territoriale, physique, alimentaire, scolaire ) des Centrafricains doit sauter et faire place à un autre gouvernement susceptible d’apporter un mieux-vivre et un mieux-être . Le reste est négociable . Tout le reste .

 

La suite au prochain numéro .

KOULAYOM-MASSEYO David .



25/01/2015

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