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Centrafrique, le risque de partition ?

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Mise à jour  le 06/05/2014 à 18:00

Ni les soldats français ni le pouvoir de Bangui ne parviennent à contrôler la situation. Les musulmans chassés de Bangui commencent à rêver de sécession.

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La Centrafrique peut-elle éclater ? Il ne suffit pas à ce pauvre pays que des bandes de voyous, musulmans de la Seleka ou chrétiens porteurs de gris-gris animistes des anti-Balaka, tuent à la machette les "ennemis" du camp adverse, il faut encore que certains songent à l'amputer d'une région pour créer un nouveau pays. "Il n'est pas question de céder un seul pouce du territoire centrafricain", déclarait au début du mois la nouvelle présidente de la transition, Catherine Samba-Panza. Certes, mais la réalité du terrain est un peu différente. Même à Bangui, les commerces tenus par des musulmans ont presque tous fermé, accélérant la division du pays entre zones chrétienne et musulmane.

Concrètement, les 1 600 militaires français de Sangaris (ils seront bientôt 2 000) et les forces africaines de la Misca tentent, ces derniers jours, de désarmer les miliciens anti-Balaka qui font la chasse aux musulmans. Des milliers d'entre ces derniers, Centrafricains ou Tchadiens installés de longue date en RCA, ont rejoint le Tchad pour échapper aux tueries. Auparavant, les militaires français et africains avaient tenté de désarmer les Seleka qui assassinaient les chrétiens.

Prendre modèle sur le Soudan du Sud

En fait, ni les uns ni les autres ne sont hors d'état de nuire. Six mille militaires sont incapables de contrôler cet immense territoire où se poursuivent les tueries, les lynchages et les pillages. Les miliciens cachent leurs armes et fuient en brousse en attendant le départ des blindés français et africains, qui ne restent que quelques jours dans chaque bourgade. Du côté des Seleka, car ce sont eux qui rêvent de partition, certains ont quitté la RCA fin janvier, en même temps que Michel Djotodia, le président putschiste qu'ils ont porté au pouvoir en mars dernier ; d'autres sont restés à Bangui, beaucoup ont été cantonnés par les militaires français ; les derniers se sont repliés dans leur fief de l'extrême nord du pays d'où ils s'étaient lancés à la conquête de Bangui, l'an dernier.

C'est précisément avec cette région enclavée, excentrée, aux confins du Tchad et du Soudan, que certains Seleka veulent faire un nouveau pays en prenant modèle sur le Soudan du Sud voisin. L'année dernière, on avait vu sortir des drapeaux indépendantistes dans certaines bourgades. Certes, à Bangui, il est de bon ton de ne pas prendre au sérieux ces velléités sécessionnistes. Mais l'éventuelle menace demeure dans les têtes des dirigeants. Les musulmans ne forment que 15 % de la population centrafricaine. Majoritaires au nord du pays, ils sont rejoints aujourd'hui par des Centrafricains musulmans qui fuient Bangui et les villes du centre pour échapper aux tueries des anti-balaka.

Le rôle du Tchad

Durant la saison des pluies, la seule piste qui relie le nord du pays à Bangui est impraticable. Tournée vers le Soudan du Sud et le Tchad et non vers la capitale centrafricaine, la région commerce avec la monnaie soudanaise, la préférant au franc CFA. La région est extrêmement pauvre mais potentiellement riche. Elle abrite des mines de diamant et des gisements de pétrole encore inexploités, dont le permis a été confié en 2010 par l'ex-président François Bozizé à une société chinoise, China National Petroleum Corporation. Le gisement situé dans la région enclavée de la Valaka déborde sur le Tchad voisin. Selon certains, N'Djamena aurait accusé la RCA de vouloir pomper son pétrole et cela pourrait expliquer, en partie, le lâchage de Bozizé, à l'époque, par son allié tchadien.

Une certitude : près du tiers des 6 000 rebelles de la Seleka qui, l'an dernier, ont renversé le président Bozizé à Bangui était d'origine tchadienne. Certains étaient d'anciens militaires de l'armée de N'Djamena.

Les rebelles de la Seleka voudraient-ils s'appuyer sur des Tchadiens de l'autre côté de la frontière pour parvenir à la partition de la RCA ? Ce jeu serait trop dangereux pour le Tchad. Et c'est précisément pour l'éviter que Paris, avec habileté, implique énormément Idriss Deby, le président tchadien, dans la sauvegarde d'une Centrafrique unie.

En fait, plus que d'une partition, le risque, au nord de la RCA, est de voir se développer, avec l'arrivée des rebelles Seleka, une région de plus en plus coupée de Bangui, qui s'autogérerait, un vaste "trou noir" au coeur de l'Afrique, en bordure du Darfour soudanais, où cohabiteraient les rebelles de toute la zone. Une aubaine pour les groupes djihadistes qui y pullulent.



06/04/2014

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