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Centrafrique: La CPI et la crise Centrafricaine - Frapper davantage les commanditaires que les exécutants

  [ Par  Poudem Pickou |Mis à jour| samedi 27 septembre 2014]

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La RCA, on le sait, depuis pratiquement la disparition de Barthélémy Boganda en 1959, a toujours évolué dans un climat de violence et d'instabilité politique. Mais avec l'avènement au pouvoir en 2013 de la Séléka de Michel Djotodia, elle a touché le fond, en termes d'exactions à l'endroit des populations, de tueries intercommunautaires massives et de bien d'autres crimes qui ont heurté la conscience de la communauté internationale. Il n'est donc pas étonnant que depuis le mois de février dernier, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, ait décidé de se pencher sur les violations des droits de l'Homme dans ce pays transformé en un Etat achevé de non-droit, par la volonté de certains de ses filles et fils.

La mission de la CPI sera très ardue en RCA

A en croire la procureure, huit mois après le début des enquêtes préliminaires, la CPI a des « bases raisonnables » permettant de croire que les rebelles de la Séléka et les milices anti-balaka ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. La juridiction de la Haye veut maintenant passer à la vitesse supérieure, en cherchant à identifier les auteurs des crimes les plus graves et lancer des poursuites à leur encontre. L'on peut déjà se féliciter de la volonté de la CPI de n'épargner personne dans sa quête de justice pour le peuple centrafricain. L'intérêt que porte le bureau de Fatou Bensouda à la RCA est d'autant plus justifié que les juridictions centrafricaines ne sont pas aujourd'hui capables de mener à bien les enquêtes et les poursuites nécessaires sur ces crimes. La preuve de cela vient d'être donnée par les magistrats qui avouent leur incapacité totale à exercer leur profession, de peur de représailles. Dans ces conditions, l'implication de la CPI dans le traitement des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, est à saluer, même s'il faut reconnaître que sa mission sera très ardue. En effet, l'on peut se poser la question de savoir comment la CPI va arriver à mener à terme sa mission dans ce pays livré pratiquement à la loi des milices qui écument la RCA depuis la chute de Bozizé et où l'Etat, perçu comme le siège de la puissance publique et l'instrument d'unification de l'ordre social, est en lambeaux.

Le procès des princes doit être une motivation supplémentaire pour la CPI

Cela dit, l'on peut croire que la CPI, qui n'ignore certainement pas cette triste réalité, saura se frayer un chemin dans cette jungle qu'est la RCA aujourd'hui, pour identifier et traquer les auteurs des crimes les plus graves. Ces derniers, de toute évidence, sont très nombreux. Certains vont et viennent en toute impunité à l'intérieur du pays, d'autres se la coulent douce à l'extérieur d'où ils continuent d'ailleurs de tirer les ficelles. Sans remettre en question le principe de la présomption d'innocence qui est sacré dans toute justice digne de ce nom, la CPI pourrait orienter ses limiers vers François Bozizé et Michel Djotodia. Ces deux individus, en effet, peuvent être considérés à juste titre comme les bras financiers et politiques des deux milices que sont les anti-balaka et la Séléka qui ont mis sous coupe réglée la RCA. De ce point de vue, l'on pourrait suggérer à la CPI, dans sa volonté de rendre justice au peuple centrafricain, de frapper davantage les commanditaires que les exécutants.

C'est comme cela qu'elle peut contribuer à se faire adopter par les populations africaines en général et à rabattre le caquet aux princes qui les gouvernent, qui s'évertuent à lui faire de faux procès. Ce procès, qui est d'ailleurs la preuve que les intérêts des princes ne sont pas ceux des populations, doit être une motivation supplémentaire pour la CPI pour qu'elle ne ferme pas les yeux sur les crimes qui se produisent de manière récurrente sous nos tropiques et dont la plupart sont le fait de ceux qui détiennent les manettes du pouvoir ou qui les ont détenues de par le passé. Ce sont eux qui ont les moyens, généralement mal acquis d'ailleurs, pour instrumentaliser les populations en les dressant les unes contre les autres sur des bases communautaires afin de conquérir et de confisquer le pouvoir, renvoyant ainsi aux calendes grecques la seule bataille qui vaille en Afrique, celle du développement et de la construction de la démocratie.

 

©LePays



27/09/2014

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