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Centrafrique : Gaston Nguerekata: « le chaos, la haine nous empêchent de développer ce beau pays…légué par nos ancêtres »

  [La rédaction|Mis à jour| lundi 20 octobre 2014 ]

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Au lendemain des accords de Brazzaville, les Centrafricains espéraient le retour de la paix, pourtant Bangui, la capitale de la République Centrafricaine, a connu un regain de violences ces derniers jours. C’est dans ce contexte qu’Afrikaweekly est parti à la rencontre du Professeur Gaston Nguerekata, potentiel candidat à la prochaine élection présidentielle en Centrafrique.

 

Vous avez demandé la démission de Madame Catherine Samba Panza, pouvez-vous vous exprimer là-dessus ?

 

Je tiens d’abord à vous remercier pour m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur les problématiques de l’heure qui nous tiennent tous à cœur. Face à l’ampleur des difficultés auxquelles notre pays est confronté, je dois vous avouer que nous devons situer les débats au-delà des querelles de personnes. Par ailleurs vous conviendrez que seuls comptent les actes posés et les résultats, que tout centrafricain où qu’il soit, devrait être en mesure d’apprécier à sa juste valeur. Ces derniers temps, nous assistons à un regain de violences meurtrières à Bangui comme dans certaines villes de province. Les actes de pillage et de vandalisme ont repris de plus belle, causant le déplacement d’environ 6500 personnes rien qu’à Bangui. Tout cela se passe dans un contexte politique et social tendu, marqué par la nomination non consensuelle d’un Premier Ministre et le non paiement de salaires, bourses et pensions depuis plusieurs mois. Le scandale de détournement présumé de fonds public a fini par annihiler le peu de crédit accordé aux plus hautes autorités de cette transition. Le cauchemar que vit le peuple centrafricain est le résultat de neuf mois de politique de prédation conduite par la Cheffe de l’Etat de Transition et ses proches. La seule chose que Madame la Présidente ait pu réussir c’est de se mettre sur le dos une grande majorité de la communauté nationale d’abord et les partenaires au développement ensuite. La question est maintenant de savoir comment pourra-t-elle réussir cette transition sans les soutiens nécessaires ? A mon avis, une démission de sa part serait de nature à régler en partie cette affaire.

 

La situation est redevenue chaotique sur le point de vue sécuritaire, comment revenir à l’accalmie ?

 

Ce qui nous arrive aujourd’hui ne m’étonne pas car il fallait s’y attendre. L’après Forum de Brazzaville a été mal géré puisque trois mois après, rien n’a été fait, la Cheffe d’Etat de Transition s’étant plutôt intéressée à sa famille, à ses amis et à ses proches. En réalité, dans la foulée de la signature de l’accord de cessation des hostilités, il aurait fallu s’atteler à l’étape suivante. L’Exécutif aurait dû engager les consultations populaires devant conduire au grand forum de réconciliation et de reconstruction national. Or, la Chef de l’Etat de Transition a cru devoir traiter d’abord la question de la formation du gouvernement, avec toute la crispation qui s’en est suivie. Tout porte à croire que sur instruction de la Cheffe d’Etat de la Transition, l’Exécutif a laissé trainer volontairement le processus de réconciliation, de façon à prolonger artificiellement la période de transition et par la même occasion la souffrance des populations. L’objectif visé est bien connu. Il s’agit d’en tirer illicitement bénéfice. Le chaos actuel résulte aussi et surtout du mécontentement suscité par le non respect de la feuille de route issue du forum de Brazzaville. Maintenant, pour revenir à l’accalmie, il me semble urgent de rattraper le temps perdu en engageant une véritable course contre la montre. Cela nécessite une volonté politique forte. Or, selon le dernier communiqué de presse de la Présidence, les deux dernières étapes du processus ne seraient qu’en voie d’être lancées, et ce, trois mois après le forum de Brazzaville. Autant dire que l’accalmie n’est pas pour demain, si l’actuel Exécutif était maintenu. Les populations en ont assez de cette maltraitance qui n’a que trop duré, l’accalmie c’est ici et maintenant.

 

Comment voyez-vous la Transition si Madame Samba Panza démissionnait ?

 

Comme je l’ai déjà dit, la démission de Madame Samba-Panza constitue une condition majeure de sortie de crise. Par la suite, il appartient aux centrafricains de mettre en place un schéma consensuel devant conduire aux élections dans un délai raisonnable. Une voix centrafricaine forte, digne et respectueuse des intérêts nationaux devrait se lever pour envoyer à l’ensemble des citoyens un message d’espoir.

 

Il n’existe aucune union sacrée en RCA pour l’intérêt de la Nation, comment expliquez-vous cela ?

 

Dans un pays où l’intérêt personnel, donc égoïste prime face à l’intérêt collectif et, où la corruption sévit, même au plus haut niveau de l’Etat, il me semble difficile d’obtenir une union sacrée. Toutefois, nous avons le devoir de faire un travail de fond, pour changer les choses. Nous devons engager sans tarder une campagne de lutte contre la corruption qui gangrène le pays à tous les niveaux.

 

La séléka demande la démission de Catherine Samba Panza, parce qu’elle leur a demandé de quitter Bambari et les antibalaka en ont fait de même parce que disent-ils elle souhaiterait faire revenir les troupes tchadiennes pour sa sécurité, comment traiter la problématique de ces deux entités ?

 

La Séléka tout comme les Antibalaka sont des organisations criminelles qui ont pris en otage le peuple centrafricain. Ces bandes armées ne méritent qu’un seul et unique traitement, à savoir une poursuite judiciaire et pénale.

 

Comment amorcer le dialogue politique en RCA ?

 

Tous les observateurs avisés s’accordent à dire que la solution à la crise centrafricaine est d’abord politique. Et cela passe nécessairement par un dialogue franc et consensuel. Je dois dire que le grand forum de réconciliation et de reconstruction national prévu à Bangui suite au forum de Brazzaville sera l’occasion de renouer avec le dialogue inter-centrafricain. Il devra permettre d’amorcer le dialogue politique.

 

Comment envisager la tenue d’élections pour 2015 dans un tel contexte d’insécurité ?

 

La RCA est un pays de 623 000 km2. Attendre à ce que la sécurité soit totale pour organiser les consultations démocratiques est synonyme de renoncement. En période de crise, une solution de crise s’impose. Au Mali par exemple, les élections se sont tenues alors que le pays était encore en crise. L’Irak et l’Afghanistan ont organisé des élections dans les conditions de sécurité que l’on sait. Donc, il me semble tout à fait possible que les élections puissent être organisées en veillant au respect des principes de droit public pendant la tenue de ces élections.

Vous étiez très actif avec « les bâtisseurs » et vous avez ralenti la cadence, pourquoi ?

 

Avec les Bâtisseurs, un certain nombre de projets en faveur des populations meurtries ont été réalisés, parmi lesquels, la fabrication de savons acides par une méthode artisanale. Nous avions eu à cet égard des critiques, pour la plupart constructives. Il nous avait été suggéré par exemple de passer à la phase semi-industrielle. La semi-industrialisation nécessite la mise en place des outils de production modernes, afin d’améliorer la qualité du produit et son rendement. C’est une très bonne suggestion. Toutefois, pour y parvenir nous avons besoin de partenaires nationaux ou de l’extérieur. Ainsi, en marge de la conférence internationale de mathématiques, pour laquelle je suis invité au mois de novembre prochain en Inde, je verrai avec mes amis dans quelle mesure finaliser ce projet. Cela dit, la phase de conception de tout projet sérieux a une durée qui peut être plus ou moins longue. Ce qui apparait aux yeux de certains comme un ralentissement de cadence. En réalité, les activités non visibles continuent. Comme par exemple les multiples ateliers de formation en auto promotion économique dans tous les arrondissements de Bangui.

 

Comment entrevoyez-vous l’avenir politique de la RCA ?

 

Avec les crises récurrentes, la RCA a touché le fond. Elle ne peut donc que se relever. Son avenir politique dépend de ses filles et fils. Il me semble urgent de renouveler la classe politique, avec de nouveaux acteurs, plus jeunes, capables de faire la politique autrement, en privilégiant l’intérêt collectif. La politique qui vise l’enrichissement personnel doit être bannie.

 

Quel message à l’endroit du peuple centrafricain meurtri ?

 

La RCA est un beau pays, doté d’un potentiel énorme dans plusieurs domaines. Seulement, le chaos, la haine et la méchanceté nous empêchent de développer ce pays pour le bien être de tous. Nous sommes à la croisée des chemins. Nous avons l’obligation de réussir cette fois-ci car le risque encouru en cas d’échec serait la perte pure et simple de l’héritage légué par nos ancêtres. Il nous faut absolument désarmer nos âmes et nos cœurs et apporter la paix dans notre pays. Nous en sommes capables.

 

©Afrikaweekly.com 



20/10/2014

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