A7i

A7i

Centrafrique : ELUCUBRATIONS N° 4

       [ Par David KOULAYOM-MASSEYO |Mis à jour|25 mars 2015] 

rcapleure1.png
                                  

 Des actes fondateurs

     Plus de cinquante ans après l’indépendance, l’humilité nous force à accepter l’échec complet de tous les gouvernements à développer le Centrafrique . De coups d’Etat militaires en mutineries diverses jusqu’à l’irruption brutale de la « Séléka », nous nous sommes entre-tués longtemps avant d’aider les étrangers djihadistes dans leurs œuvres macabres de ces dernières années . Le reconnaître et s’en servir comme tremplin dans le cadre d’une résilience nationale est absolument nécessaire pour poser enfin des actes fondateurs susceptibles de redonner confiance aux Centrafricains pour un mieux-vivre ensemble .

 

    Le premier de ces actes fondateurs nous semble être la détermination du genre de notre pays . Faut-il dire le Centrafrique ou la Centrafrique ? Tout Centrafricain qui a voyagé hors du territoire national a été confronté à un moment ou à un autre à cette question récurrente : « mais où se trouve votre pays ?» . Un interlocuteur m’a même demandé « si la Centrafrique se trouve au Sénégal » . A quoi j’ai répondu que cela revenait à placer la France en Belgique …Au lieu de nous accrocher obstinément au rêve brisé de Barthélémy Boganda d’une République Centrafricaine d’expression latine regroupant toute l’AEF plus le Congo belge et l’Angola , nous ferions mieux de trouver un nom qui nous définit mieux . L’Oubangui-Chari ? La République du Yadé ? Béafrica ? Ou la République de Karinou ? C’est aux Centrafricains de se prononcer . N’oublions pas qu’avant l’avènement de Thomas Sankara, la Haute-Volta était confrontée au même problème . Aujourd’hui, rares sont les personnes  qui ignorent le Burkina Faso . Je postule même que c’est parce qu’ils sont « Burkinabé » que les habitants de l’ex-Haute Volta ont chassé Blaise Compaoré, l’assassin de Thomas Sankara . Mais changer le nom du pays ne suffira pas pour préserver sa sécurité intérieure : un contrôle plus rigoureux de nos frontières sera nécessaire avec une vraie armée nationale .

    Après le changement du nom du pays avec un genre précis, l’étape suivante serait de déplacer la capitale Bangui vers …Bambari ou Bria dans une position plus centrale et donc moins pénalisante pour les autres habitants du pays cf Abuja ou Brasilia . Une telle délocalisation sera mise à profit pour mettre en place un plan d’occupation des sols (POS) adapté . Les architectes et urbanistes nationaux s’emploieront à redessiner un nouveau schéma urbain répondant enfin aux besoins d’une nouvelle capitale ambitieuse : campus universitaires, cités scolaires, quartiers résidentiels, centre des affaires, casernes, gares routières, siège du gouvernement, palais de justice, hôpitaux, zones d’activités commerciales et j’en passe et des meilleurs !

     Statistiquement, il y a plus de piétons que d’automobilistes à Bangui . Alors pourquoi cette absence presque totale de trottoirs, obligeant les piétons à empiéter sur les chaussées,  ce qui provoque inévitablement des accidents ? Les rues de notre capitale posent un autre problème qu’il s’agit d’éradiquer car c’est une question de salubrité publique . Par leurs eaux stagnantes, croupies dans des caniveaux jamais récurés, elles entretiennent en permanence les larves de moustiques, vecteurs du paludisme qui est la première cause de décès en RCA .  Nos ingénieurs hydrauliciens ne peuvent-ils pas nous concocter un plan général de la ville légèrement incliné vers l’Oubangui pour nous débarrasser de ce fléau ? Cette cause mérite l’attention car gouverner c’est surtout veiller au bien-être des populations .

A propos des rues et places, il est temps que les Centrafricains pensent sérieusement à débaptiser la place Valéry Giscard d’Estaing en place Nelson Mandela ainsi que toutes ces rues qui fleurent bon « la colonie de papa » . Ils n’auront que l’embarras du choix : Karinou, Tétimbou, Zaoulé, Bérandjoko, Kouzoulitou, Mopoï, Koursou, Krikri, Kpokourta, Nabawé, Kpoté, Lokoti, Hermann, Noko-Boudey, Ndalé, Zotoué, Bingué, Dongué, Bayanga-Didi, Maïgaro, Niem, Yandzéké, Yanga, Daoudou, Zaorollim ( Yenga ), Bayembo, Pengué, Gongolo, Bépé, Bangassou, Fayama, Adama Tamboux… ;  Lumumba, Nkrumah, Desmond Tutu, Luthuli, Steve Biko , Moumié, Sankara…Mayélé, Beckers, Thierry Yézo …et pourquoi pas Bob Marley, Peter Tosh, Jimmy Cliff, U Roy,  Lucky Dubé ? S’ils sont à court d’idées et de noms, qu’ils donnent des numéros aux rues comme en Amérique car depuis que je parcours les routes de France, nulle part je n’ai vu un chemin creux, un sentier et à plus forte raison une place porter un nom centrafricain : même pas celui de Koudoukou, héros national centrafricain mort pour la France .

    Pour la tranquillité de nos étudiants, il est plus que souhaitable de construire un campus universitaire digne de ce nom en dehors de la capitale pour favoriser un meilleur brassage des futures élites centrafricaines et tordre le coup au népotisme, au tribalisme et au régionalisme qui gangrènent notre société .

De même, le palais de la Renaissance qui devrait refléter la fierté nationale,  regrouper les services essentiels de l’Etat tout en servant de résidence officielle au chef de l’Etat , n’a pas vocation à rester coincé entre les flancs de la colline Bas-Oubangui et un centre-ville bondé, bruyant et malodorant . Il en va de la dignité des Centrafricains et de la sécurité du chef de l’Etat .

     Doter chaque sous-préfecture et PCA d’un collège d’enseignement général, paver certaines portions de rues, installer deux ou trois passerelles aux endroits les plus passants et donc « accidentogènes » seraient des mesures de bon sens .

    Enfin, il faut interdire purement et simplement le plastique utilisé par les Centrafricains sous toutes ses formes pour vendre aujourd’hui . Il contient des éléments perturbateurs du système endocrinien, est souvent toxique et/ou cancérigène . Au rythme où vont les choses chez nous, si une mesure rigoureuse n’est pas immédiatement prise, dans dix ans, le sol centrafricain saturé de plastique ne produira plus de « goussa », ni de « gboutou », ni de « gozo » qui constituent la base de l’alimentation nationale . Et que dire de la nappe phréatique ? Cette interdiction aurait l’avantage de ressusciter un artisanat national qui fournissait naguère les « sakpa ti gara » sains, ergonomiques, écologiques, pratiques à nos mères . Qu’en pensent les écologistes centrafricains ? D’ailleurs, y a-t-il seulement un parti écologiste en RCA ?

 

     Le peuple centrafricain tout entier est résilient . Pour parfaire cette résilience, le futur Président doit poser des actes fondateurs forts, susceptibles de fédérer un grand nombre de ses compatriotes . Or, même en cherchant beaucoup, on  ne voit pas de programmes clairement déclinés par les nombreux candidats , ni de professions de foi . Cette absence de programmes à la veille des élections n’est pas rassurante : chaque Centrafricain doit y réfléchir à deux fois avant d’accomplir son devoir civique . A bon entendeur, salut !

 

  La suite au prochain numéro .

 

 



25/03/2015

A découvrir aussi


Ces blogs de Politique & Société pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 541 autres membres