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Centrafrique : Chroniques douces-amères – 21

 [ Par Prosper INDO |Mis à jour|lundi 17 novembre 2014 ]                          

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« Sans la liberté de blâmer, il n’y a point d’éloges flatteurs »(Beaumarchais)

 

Les organisations non gouvernementales découvrent l’ampleur des dégâts en RCA.

 

Médecins sans frontières (MSF) a dénoncé ce mardi 11 novembre 2014 « la multiplication des actes de violence et de racket dont les organisations humanitaires sont la victimes de la part de groupes armés crapuleux ». C’est ainsi que les 7 et 8 novembre derniers, deux camions transportant du matériel médical pour le compte de cette organisation non gouvernementale ont été interceptés en province par un groupe armé qui a exigé une rançon pour libérer les véhicules et le personnel : « Ce qui s’est révélé être dans les deux cas de réelles séquestrations s’est soldé par le versement d’importantes sommes d’argent », a indiqué le chef de mission de la MSF qui s’insurge ; « le gouvernement en place est totalement absent et silencieux. L’impunité est de rigueur. La Minusca échoue à protéger les civils. Sangaris et Eufor ne parviennent pas à sécuriser le pays et les axes routiers ».

 

Il est salutaire que les organisations humanitaires découvrent l’envers du décor et le proclament : la RCA, c’est le vide sécuritaire !

 

Négocier avec les preneurs d’otages du FDPC ?

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Une mission serait partie de Bangui pour rencontrer les éléments du front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) qui détiennent depuis près d’un mois une douzaine d’otages, dont un prêtre polonais. Les membres du FDPC du nommé Abdoulaye Miskine, dont l’enlèvement contre rançon est une pratique courante, réclament la libération de ce dernier, incarcéré au Cameroun pour crime de droit commun, en échange de la libération de leurs otages.

Dans le contexte actuel, libérer Abdoulaye Miskine, alias Martin Koumtamadji, ex conseiller politique du président déchu François Bozizé, reviendrait à renforcer l’impunité ; payer une rançon équivaudrait à perpétuer la pratique des enlèvements contre rançon… C’est jouer son autorité au « kissoro » !

 

On voit mal le gouvernement camerounais prêter le flanc à ce jeu en faveur d’un assassin.

 

Les enseignants de l’université de Bangui suspendent leur trêve.

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A l’issue d’une trêve de 45 jours observée depuis le 12 août 2014, les enseignants du syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SYNAES) sont sur le sentier de la grève : « On nous demande d’aller pour une rentrée universitaire le 12 novembre 2014. Une rentrée scolaire pour quoi faire d’autant que les précédentes revendications ne sont pas satisfaites ? », a indiqué le secrétaire exécutif adjoint du syndicat. Le SYNAES demande le versement de la totalité des frais des vacations des années 2010-2011, 2012-2013 ainsi que l’intégration de certains enseignants dans la fonction publique qui attendent depuis 7 ans !

Pendant les périodes mentionnées ci-dessus, le Premier-ministre concerné était un certain Michel Archange Touadéra, ancien recteur de l’Université de Bangui, lequel sera resté cinq ans aux affaires sans discontinuer, comme supplétif du président déchu François Bozizé. Apparemment, l’éducation nationale était le cadet souci.

 

L’adage dit : « Les cordonniers sont les plus mal chaussés ».

 

Les ex-Séléka auraient un grand compte au Tchad.

 

En suivant la trace des armes en circulation en Centrafrique, un certain nombre d’informations incrimineraient le Tchad et démontreraient le soutien d’Idriss Déby à l’ex-alliance Séléka. C’est ainsi qu’en avril 2014, les militaires de l’opération Sangaris, ayant anéanti un groupe Séléka qui avait attaqué et pillé le camp MSF de Boguila, auraient retrouvé dans un des véhicules des assaillants un fusil d’assaut de marque Galil fabriqué par la société israélienne Israel Military Industries (IMI), contrôlée par l’Etat israélien. Ces fusils, utilisés par la garde présidentielle du Tchad, font l’objet d’un contrat daté de 2007 officialisant l’acquisition par le ministère de la Défense du Tchad de 2000 armes de ce modèle.

Un rapport d’experts des Nations unies sur les exactions en Centrafrique rendu le 29 octobre 2014 arrive au même résultat : « des fusils identiques ont été saisis dans d’autres régions de la République centrafricaine ».

Indépendamment de la scolarité supposée du « général » Nourredine Adam dans les forces spéciales israéliennes, on voit mal l’ex-Séléka négocier avec Tel-Aviv l’achat de ce type de matériel de guerre.

 

Les ex-Séléka auraient donc ouvert « un grand compte » au Tchad, pour se fournir en armements, en dépit de l’embargo des Nations unies ?

 

 

Les ex-Séléka veulent allumer un feu d’artifice au Camp Beal.

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Les éléments rebelles de l’ancienne alliance Séléka cantonnés au Camp Beal se tâtent. Invités à quitter le cantonnement où ils étaient retenus depuis la chute du président démissionnaire Michel Djotodia, ils menacent depuis lundi soir 10 novembre 2014 de faire exploser la poudrière de leur casernement : « Nous sommes déterminés à poser cet acte afin de mourir en martyrs comme tous ceux qui sont dans l’entourage ici. Nous donnons trois jours aux autorités de la transition pour nous donner des réponses sinon le secteur va être en feu », a confié l’un des leaders du mouvement.

Le gouvernement de transition, qui prenait cette menace pour une galéjade, un bluff, négocierait avec les « insurgés » depuis hier jeudi 13 novembre 2014.

L’exigence des ex-Séléka tient en un chiffre : « lorsque l’OIM transfère les combattants, c’est une somme de 10.000 francs CFA qui est remise à chacun avec un kit après plus rien… Pour l’instant, il faut au moins 500.000 francs CFA par combattant avant notre départ, sinon on met le feu ».

Les cantonnés étant au nombre de 2.000 combattants, c’est une somme d’environ un milliard de francs CFA qu’ils réclament !

Aux dernières nouvelles, les cantonnés auraient reçu 4,5 milliards de francs CFA.

 

Apparemment, les ex-Séléka cantonnés connaissent leur règle de trois, et le milliard évaporé continue de faire des petits.

 

Six milliards de francs CFA pour rénover Bangui-M’Poko.

 

L’agence française de développement (AFD) et la banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC) ont octroyé deux subventions de plus de 9 millions d’euros à la Centrafrique destinés au projet d’extension, de modernisation et de mise aux normes internationales de l’aéroport international de Bangui-M’Poko. Ce projet concerne la réhabilitation du balisage lumineux des chaussées aéronautiques, le dispositif d’approche lumineux, la construction de la centrale électrique et la clôture du périmètre de l’aéroport. De cinq millions d’euros (3,5 milliards de francs CFA), la subvention de l’AFD est complétée par celle de la BDEAC estimée à trois milliards de francs CFA.

 

La modernisation de l’aéroport de Bangui-M’Poko est inscrite au budget annuel de l’Etat centrafricain depuis plus de 20 ans, dans le cadre de la politique de désenclavement du pays, sans qu’aucun projet n’ait jamais vu le jour jusqu’alors !

 

Les leaders religieux centrafricains honorés !

 

En visite dans la capitale fédérale américaine Washington depuis le début de cette semaine, Nicolas Guérékoyamè Gbangou, Omar Kobine Layama et Dieudonné Nzapalainga, les hauts représentants des cultes protestant, musulman et catholique en Centrafrique, sont venus aux Etats-Unis recevoir le prix décerné par l’organisation non gouvernementale Search For Common Ground.

Ce prix, déjà décerné à des leaders charismatiques comme Desmond Tutu et l’ancien président Jimmy Carter, honore chaque année des personnalités ayant accompli de grandes choses pour résoudre les conflits et ramener la paix. Prenant la parole, Mgr Nzapalainga a constaté que l’insécurité reste la préoccupation majeure des Centrafricains, y compris à Bangui où il apparaît aventureux de sortir la nuit. Les trois leaders religieux reconnaissent par ailleurs la faiblesse des autorités de la transition, « même si les Centrafricains musulmans ont commencé à rentrer au pays », selon l’imam Layama.

 

Nul n’étant prophète en son propre pays, les trois leaders religieux invités par la Voix de l’Amérique auront sans doute la satisfaction de voir leur démarche reconnue par l’opinion internationale, à défaut d’être encensés par leurs propres concitoyens.

 

Le FMI au chevet du budget centrafricain.

 

Les représentants du fonds monétaire international (FMI) sont arrivés en début de semaine à Bangui pour boucler le budget de l’Etat centrafricain pour cette année et l’année suivante. En effet, le budget 2015 est encore au stade du projet. Son montant et son contenu seront donc discutés cette semaine par les autorités de la transition, le FMI et les différents bailleurs de fonds. Aidé jusqu’alors par les pays membres de la communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), qui ont joué le rôle de bouée de sauvetage, l’Etat centrafricain a commencé à respirer à partir de juin dernier quand le FMI a versé la première tranche de ses « facilités de crédit rapide », essentielle parce qu’elle déclenche le mécanisme d’assistance des autres bailleurs de fonds internationaux.

 

Il reste à espérer que la rigueur budgétaire viendra accompagner cet effort international.

 

Les élections générales reportées en juin-juillet 2015.

 

Le groupe international de contact sur la crise centrafricaine a officialisé ce mardi 11 novembre 2011 le report des élections présidentielle et législatives initialement prévues en février 2015. Le nouveau calendrier proposé par l’Autorité nationale des élections (ANE) prévoit désormais l’organisation couplée des scrutins présidentiels et législatifs en juin 2015 pour le premier tour, et juillet 2015 pour le second tour. Si ce délai est tenu, il permettra selon les observateurs d’éviter la saison des pluies (août à novembre) qui rend particulièrement difficiles la circulation et les accès vers l’intérieur du pays.

Il demeure toutefois une inconnue, liée à l’élaboration d’une liste électorale fondée sur un fichier national d’état-civil crédible. Ce n’est pas en six mois qu’un tel recensement serait possible.

 

On vous ment délibérément car ces élections ne seront ni transparentes ni incontestables, sauf si on organise un scrutin au suffrage universel indirect, comme je l’ai déjà écrit depuis plusieurs mois.

 

La course à la présidentielle est désormais lancée !

 

Le mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) a lancé le processus de désignation de son candidat à la présidentielle de 2015 le mercredi 5 novembre 2015. L’appel à candidature, signé du 2ème vice-président du mouvement demande aux éventuels candidats de remplir quelques conditions élémentaires : « avoir un parcours de militant irréprochable, avoir sa carte de militant, être à jour de ses cotisations, maîtriser les idéaux de la social-démocratie, jouir d’une bonne moralité et connaître les réalités centrafricaines et être capable de proposer des actions stratégiques pour le développement harmonieux de la République centrafricaine » !

Une inquiétude demeure néanmoins quant à l’organisation d’une primaire interne au MLPC alors que ce mouvement fait partie de la plateforme politique regroupant d’autres partis dans le cadre de l’alliance des forces démocratiques pour la transition (AFDT).

 

En vérité, cet appel à candidature est de pure forme ; c’est une supercherie dont le résultat est couru d’avance.

 

Le MLPC rattrapé par l’histoire.

 

Au moment où le mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) entre en congrès pour désigner son représentant au prochain scrutin présidentiel prévu pour juin 2014, le rebelle Jean-Pierre Bemba, ancien leader du mouvement de libération du peuple congolais (MLC) est jugé par le Tribunal pénal international de La Haye pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par ses troupes en République centrafricaine.

Nul n’ignore que les éléments armés du MLC sont entrés en Centrafrique à l’appel du président défunt Ange-Félix Patassé et des caciques du MLPC, lesquels n’ont pas résisté à stigmatiser une partie de la population centrafricaine, la livrant à la barbarie et à la vindicte des hommes de Bemba. Entre temps, ils se sont autoamnistiés et « grenouillent » désormais dans l’antre du pouvoir actuel.

 

L’histoire tient sa revanche : le verdict de La Haye couvrira de honte et de sang la candidature de tout  prétendant au pouvoir issu des rangs du MLPC.

 

Processus de Kimberley : le ministre ergote, les trafiquants prospèrent.

 

Le 12 novembre 2014 dernier, le ministre centrafricain des Mines et de la géologie était en Chine où, accompagné d’une forte délégation – on se demande pourquoi – il plaidait pour la levée partielle de l’embargo frappant l’exportation des diamants bruts centrafricain depuis avril 2013. Pour défendre sa cause, le ministre Joseph Agbo mettait en avant « le plus grand soulagement d’une population centrafricaine dont la misère, amplifiée par les effets pervers de l’embargo sur l’exportation des diamants bruts, s’amplifie de manière inquiétante pour la paix et la cohésion sociale » !

Pendant que le ministre ergotait devant les groupes de travail du processus de Kimberley, un important lot de 152 kg de diamants et pierres précieuses ainsi qu’une somme d’argent non déclarée de 40 millions de francs CFA en espèces étaient saisis ce 1er novembre 2014 à l’aéroport de Bangui-M’Poko. La cargaison appartenait à la compagnie SODIAM, bureau d’achat agréé ayant pignon sur rue. Apparemment, ce trafic prospérait depuis fort longtemps pour que les responsables de la dite société prennent autant de risques, n’était la présence des soldats européens de l’Eufor-RCA désormais en charge des contrôles à l’aéroport.

 

On doute fort que le ministre ait convaincu son auditoire, malgré son imposante délégation.

 

 

Minusca : Après le Cambodge, la Mauritanie…

 

Les troupes de la mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique continuent de se renforcer. Le mois dernier, une brigade de soldats cambodgiens devaient atterrir sur le sol centrafricain. On apprend ce vendredi 14 novembre 2014 que la Mauritanie enverra également une compagnie aéroportée. D’un effectif estimé à une centaine d’hommes, cette force serait « spécialement équipée et formée pour cette mission ». Elle comprendrait notamment une compagnie aéroportée de fantassins et un escadron de la gendarmerie appelée à assurer la police militaire en RCA.

 

Le renfort mauritanien, qui participe déjà à l’ONUCI en Côte d’Ivoire, ne sera pas de trop !

 

Le système Bozizé devant la justice en … France.

 

L’avocat français rendu célèbre par le dossier « des biens mal acquis », William Bourdon, a déposé plainte, mercredi 12 novembre 2014, au nom de l’Etat centrafricain devant le parquet national financier de Paris. Cette plainte vise nommément François Bozizé, son clan et ceux qui ont profité de son système : « Le sens de cette plainte c’est, premièrement, l’inventaire du patrimoine immobilier et mobilier qui aurait été acquis dans des conditions frauduleuses par le clan Bozizé, certains de leurs complices et certains de leurs proches, et c’est aussi un certain nombre d’opérations « commerciales » à l’occasion desquelles des commissions auraient été versées de façon illicite et auraient participé de l’enrichissement d’un certain nombre de citoyens français… », a expliqué l’avocat.

La plainte vise donc des faits présumés de recel de détournement de fonds publics, d’abus de biens sociaux, d’abus de confiance, de corruption.

 

On attend des autorités de la transition en Centrafrique qu’elles développent le même zèle à l’encontre de Michel Djotodia, de son clan et de ses partenaires de l’ex-Séléka !

 

 

 

Paris, le 17 novembre 2014

 

Prosper INDO

 

 



18/11/2014

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