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1er Rapport Intérimaire de la Commission de l’Union Africaine sur la situation en République Centrafricaine et les activités de la Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique sous conduite Africaine

3ième Partie et Fin.

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VII. ÉVOLUTION DE LA SITUATION SÉCURITAIRE

 

49. Le déploiement de la MISCA a eu lieu dans un contexte sécuritaire particulièrement dégradé, marqué par les conséquences de l’attaque perpétrée par les éléments du groupe dit des anti-Balaka, au début du mois de décembre 2013. La période a été caractérisée par des affrontements entre les anti-Balaka et les ex-Seleka et, parfois, entre individus et familles, et ce sur des bases communautaires et religieuses. De nombreux crimes ont été commis. Des dizaines de milliers de personnes ont dû quitter leurs domiciles pour trouver refuge dans d’autres zones de la ville de Bangui jugées plus sûres, en particulier la zone aéroportuaire. Cette résurgence des violences intercommunautaires et de l’insécurité a maintenu la capitale et les troupes de la MISCA sous une forte tension, et ce jusqu’à la fin de décembre 2013. La première moitié du mois de janvier 2014 a été relativement calme, puis la situation s’est dégradée, surtout à Bangui, pendant la deuxième moitié du mois de janvier 2014. Depuis début février 2014, la situation s’est considérablement améliorée tant à Bangui qu’à l’intérieur du pays.

 

50. Si au plus fort des moments de violence, l’insécurité a affecté l’ensemble de la capitale, certains quartiers de Bangui ont été particulièrement touchés. Tel fut le cas des quartiers Gobongo et Combattants, dans le 8ème arrondissement, Boy Rabe et Miskine, dans le 6ème arrondissement, Boeing et Castor, dans les 3ème et 2ème arrondissements, respectivement. Au cours de la dernière semaine du mois de janvier 2014, l’on a dénombré, dans ces quartiers, plus de 30 exactions. Le couloir allant du PK12 (Nord de la ville) au PK9 (Sud-Ouest) fut la zone d’occurrence de la plupart des affrontements armés entre les ex-Séléka et les anti-Balaka. Près de 20 cas ont été rapportés dans la même période.

51. La situation à l’intérieur du pays a été contrastée : calme au Centre et au Nord-Est, et plus tendue à l’Ouest et au Nord-Ouest, notamment à Beloko, Bouar, Bozoum, Bossangoa, où les antagonismes entre anti-Balaka et ex-Seleka, dans la deuxième moitié du mois de décembre 2013, ont entrainé la fuite de populations. Plusieurs incidents ont, par la suite, été relevés en différents endroits. Le 17 janvier 2014, la communauté musulmane de la ville de Boali a subi une attaque qui a fait près de dix morts et causé plusieurs blessés, essentiellement par armes blanches. Des actes de pillages massifs ont également été commis. Les 28 et 29 janvier 2014, la ville de Sibut a aussi été attaquée, avec l’arrivée massive d’éléments de l’ex-Seleka provenant de localités environnantes. Comme indiqué plus haut, ces derniers ont fait irruption dans la ville et manifesté leur volonté de faire sécession, exigeant le départ d’une compagnie réduite du contingent gabonais de la MISCA. Ces éléments ont commis plusieurs exactions, notamment des tueries sur les populations supposées être proches des anti-Balaka, ainsi que des destructions et pillages de biens. Plusieurs autres localités ont connu des faits similaires. Le 5 février 2014, dans la localité d’Amou, située dans la préfecture de Kemo, des exactions, notamment des pillages, vols et tueries, ont également été perpétrées par les ex-Seleka sur la population. Le même jour, à N’Zakoune, située à environ 10 kms de Bang, dans la région de l’Ouham Pende, une attaque menée par des éléments de l’ex-Seleka, a fait 22 morts, dont 16 femmes et 6 hommes. Plusieurs maisons ont été incendiées. Une autre attaque d’éléments de l’ex-Seleka, toujours le 5 février 2014, dans la localité de Dakol, également dans la région de l’Ouham Pende, a fait 3 morts, dont le directeur de l’école et 2 élèves.

 

52. Sur le corridor principal, reliant Bangui à la frontière du Cameroun, la situation a été initialement caractérisée par la persistance des points de contrôle illégaux (environ 22). Les éléments les plus belliqueux étaient alors postés dans les localités de Yaloké, Baoro et Bossammtélé, tenues par des ex-Seleka qui y prélevaient illégalement des taxes et tribus auprès des personnes et usagers de la route sous la menace de leurs armes. Cette situation entravait l’acheminement de l’aide humanitaire et l’approvisionnement de la ville de Bangui et d’autres localités, en même temps qu’elle privait le Gouvernement des ressources dont il a tant besoin pour faire redémarrer la machine administrative et étatique.

 

53. Cette situation procédait de plusieurs facteurs. D’une part, il s’est avéré difficile de définir clairement les forces d’opposition, même si le dernier Sommet de Ndjamena a permis d’avoir davantage de clarté quant à l’identification des dirigeants de certains groupes des anti-Balaka et d’engager leur responsabilité. La plupart des groupes armés ou d’auto-défense sur l’ensemble du territoire ne semblent pas encadrés. Dans la foulée de l’élection du nouveau chef de l’Etat de la Transition, des ex-Seleka ont été cantonnés et certains désarmés par la MISCA. Au cours de la deuxième quinzaine du mois de janvier 2014, et avec l’inversion du rapport de force, les violences ont repris, caractérisées par de nombreuses attaques contre les communautés musulmanes.

 

54. Un autre facteur explicatif est lié à la situation des ex-FACA qui se sont fondus dans la nature, emportant avec eux armes et munitions. Certains de ces éléments ont rejoint les anti-Balaka. Certes, depuis, des efforts ont été faits pour le regroupement des FACA, mais la question de la discipline et de leur niveau de professionnalisme se pose. À l’issue d’une cérémonie organisée par le chef de l’État de la Transition, pour célébrer la renaissance de l’armée nationale, le 5 février 2014, dans l’enceinte de l’École nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) de Bangui, un soldat soupçonné par ses camarades d’avoir collaboré avec la Seleka a été lynché à mort. Cet incident, qui a eu lieu après que les forces internationales ont quitté les lieux, a ralenti le processus de retour dans l’armée des éléments qui avaient quitté les rangs. Il convient de préciser ici que la MISCA a dû intervenir pour exfiltrer le Général Abdel Kader, chef d’État-major adjoint, dont la sécurité était menacée.

 

55. Un dernier facteur explicatif de la détérioration de la situation sécuritaire tient aux difficultés qu’a éprouvées le précédent Gouvernement de transition dans la mise en œuvre du volet sécuritaire de la Feuille de route de la Transition. Dans sa première phase, la Feuille de route prévoyait une rapide restructuration des forces de sécurité centrafricaines, de manière à leur permettre de participer à la sécurisation de la ville de Bangui et au maintien de l’ordre, à travers des patrouilles mixtes avec les éléments de la MISCA.

 

56. Comme indiqué plus haut, depuis le début du mois de février 2014, la situation s’améliore progressivement et de manière significative. Ces gains procèdent de plusieurs facteurs : la sectorisation de Bangui et des provinces, le renforcement de la MISCA et la coordination avec Sangaris.

 

57. À Bangui, les signes de retour à une vie normale sont évidents. Le nombre d’incidents a considérablement baissé. Le couvre-feu, qui était en vigueur de 18 heures à 06 heures du matin, a été réduit de 20 heures à 05 heures du matin. Les écoles ont commencé à rouvrir, et l’Université de Bangui a effectivement repris ses activités le 24 février 2014, l’administration ayant réoccupé ses locaux depuis le 8 janvier 2014. Les activités économiques reprennent progressivement, même si elles sont sérieusement affectées par l’exode des commerçants musulmans. Evidemment, des incidents continuent d’être enregistrés, comme en témoigne l’assassinat de trois musulmans à Bangui, le 22 février 2014, dans le quartier Combattants et bien d’autres incidents. Mais aujourd’hui, la plupart des difficultés rencontrées sur le plan sécuritaire relèvent de la criminalité plutôt que d’affrontements entre groupes politico-militaires opposés.

 

58. Même si de sérieux cas de violence continuent d’être enregistrés, la situation s’améliore également en province, grâce au renforcement de la présence de la MISCA et des opérations par elle conduites, en collaboration avec l’opération Sangaris. Le nombre des assassinats, les cas d’intimidation et autres exactions, ainsi que les demandes de déplacements, sont décroissants. Rien n’illustre davantage cette évolution que la sécurisation par la MISCA du corridor qui relie Bangui à la frontière camerounaise. Celle-ci permet aux convois humanitaires, commerciaux et autres d’emprunter cette voie.

 

VIII. SITUATION HUMANITAIRE

 

59. La situation humanitaire, déjà difficile, s’est détériorée davantage après les violents affrontements du 5 décembre 2013. À la date du 18 février 2014, l’on estimait à 698 500 le nombre des personnes déplacées internes (Pdis) sur l’ensemble du territoire centrafricain. Dans la ville de Bangui, on compte 273 500 personnes déplacées internes répartis sur 66 sites et dans des communautés d’accueil ; 60% de ces déplacés sont constitués d’enfants. 65 119 ressortissants étrangers sont repartis dans leurs pays d’origine, tandis que 250 230 ressortissants centrafricains ont trouvé refuge dans les pays de la sous-région. Près de 2 millions de Centrafricains sont dans une situation de vulnérabilité et ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Les conditions de vie et d’hygiène sur les sites des déplacés sont déplorables. Cette situation d’extrême vulnérabilité a vu croitre le nombre d’enfants souffrant de malnutrition sévère, qui est passé de 1 000 à 28 000. D’autres maladies telles que la malaria, les infections respiratoires et la diarrhée sont également signalées sur les sites. 56% seulement des sites sont couverts par des services de santé.

 

60. L’amélioration de la situation sécuritaire dans la ville de Bangui, depuis le début du mois de février 2014, a créé des conditions favorables au retour volontaire de Pdis chez elles. Le site de l’aéroport international de Bangui compte aujourd’hui 70 000 Pdis la nuit, contre 100 000, il y a quelques semaines. Plus de 80% des Pdis hébergés sur ce site ont l’intention de rentrer chez elles. La tendance aux retours à domicile des Pdis est observée dans les : 1er, 2ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème et 8ème arrondissements et Bimbo, à Bangui. Quatre sites dans Bangui, à savoir Saint Paul - Communauté des Sœurs, Saint Paul-séminaire, Saint Paul-Lycée Pi XII et Camp FOMAC/Saint Paul, n’abritent plus de personnes déplacées.

 

61. Les besoins des déplacés et des groupes vulnérables sont considérables. La conférence des donateurs pour la RCA, tenue à Bruxelles, le 20 janvier 2014, a promis de mobiliser 500 millions de dollars américains pour l’assistance humanitaire. À ce jour, seuls 14% de ce montant ont été effectivement mobilisés.

 

62. Dès sa prise de fonction, le Représentant spécial de l’UA a initié des consultations avec les autorités municipales de la ville de Bangui et les acteurs humanitaires, afin d’évaluer la situation humanitaire dans la ville et de trouver, de façon concertée et coordonnée, des solutions durables à la problématique de l’acheminement de l’assistance humanitaire vers les sites des déplacés, notamment celui de l’aéroport. Les équipes de la MISCA se déploient régulièrement sur les sites des déplacés à Bangui et à l’intérieur du pays, pour rencontrer les Pdis et les communautés locales et mieux apprécier les besoins, en vue de renforcer l’action de plaidoyer de la Mission. À l’occasion d’une visite en RCA, du 17 au 21 février 2014, la Commissaire aux Affaires politiques, Dr Aisha L. Abdullah, et la coordinatrice aux Affaires humanitaires de OCHA, Mme Valérie Amos, se sont rendues à Bossangoa, où elles ont visité des sites de personnes déplacées.

 

IX. SITUATION DES DROITS DE L’HOMME

 

63. La Commission de l’UA a déployé, à partir du 4 janvier 2014, une première équipe de cinq observateurs des droits de l’homme au sein de la composante civile de la MISCA, afin de permettre à la Mission d’investiguer et de mieux documenter les violations des droits de l’homme, dans le cadre des efforts d’ensemble visant à lutter contre l’impunité. Cinq autres observateurs devraient être déployés incessamment. Dans le cadre de la mise en œuvre de leur mandat, ces observateurs ont des rencontres régulières avec les autorités centrafricaines, les organisations de la société civile, les organisations internationales et d’autres acteurs concernés. De même effectuent-ils des visites de terrain en différents endroits du territoire centrafricain.

 

64. De ces rencontres et visites de terrain, il ressort que de nombreuses et graves violations des droits de l’homme ont été commises en toute impunité. De nombreux cas de viols, dont des viols collectifs, des unions scellées sous l'effet de la contrainte, l'esclavage sexuel, des sévices corporels sur des femmes et des jeunes filles ont été commis. Les victimes identifient leurs bourreaux tant parmi les ex-Seleka que parmi les anti-Balaka. À Bangui, par exemple, au mois de janvier 2014, l’on a dénombré 251 cas de viols, ayant affecté 224 femmes adultes, 1 homme adulte et 26 autres personnes de moins de 18 ans. Dans les localités de Batangafo (sous-préfecture de l'Ouham), Bornou (ville située à 4km de Bossangoa dans le Nord-Ouest de la RCA), Dangbatro (village situé à 7 km de la ville de Bria, chef-lieu de la Préfecture de la Haute Kotto, dans le Centre-Est de la RCA) et Kabo (une des 5 sous-préfectures de l'Ouham, dans le Nord-Ouest), plusieurs cas de viols ont également été répertoriés. Des informations concordantes font état du recrutement et de l'utilisation d’enfants par les différents groupes armés, dont les ex-Séléka et les anti-Balaka, en violation des instruments juridiques internationaux pertinents.

 

65. Divers cas d’atteintes au droit à l’intégrité physique attribuables autant aux milices anti-Balaka qu’aux ex-Séléka ont été dénoncés. Il s’agit principalement de cas d’exécutions sommaires, d’assassinats, de lynchages, de persécutions et d’enlèvements. C’est ainsi qu’à Bangui, le 25 décembre 2013, un charnier de 30 corps a été localisé sur le lieu-dit de la «Colline des panthères» (sis à environ 300 m du Camp de Roux). Un second charnier de 13 corps a également été découvert par les forces de la MISCA, le 9 février 2014, au Bataillon de Soutien et de Service précédemment occupé par les ex-Séléka et actuellement site de cantonnement de ces derniers.

 

66. De nombreuses violations des droits de l’homme ont été également commises à l’intérieur du pays. Dans la ville de Boali, dans la préfecture de l'Ombella M'poko, entre le 1er et 2 décembre 2013, un campement essentiellement peuplé de peuls musulmans a fait l'objet d'une attaque par des éléments armés non-identifiés. Le bilan de cette attaque a été de 13 morts et de plusieurs destructions de biens (maisons et bétails). En représailles, plusieurs personnes d’obédience chrétienne ont été tuées par des éléments armés de confession musulmane. Ainsi, le 4 décembre 2013 un nommé Zangato, chef traditionnel à Boali, et ses trois fils ont été tués dans leur champ par des personnes que les témoignages recueillis ont assimilé à des ex-Seleka et à d’autres individus de confession musulmane. Le même jour, un certain Anzibe Simon, communément appelé "Z", a été tué par un groupe de personnes armées de flèches, de fusils et de poignards, sous prétexte qu'il appartenait au groupe des anti-Balaka. Le 17 janvier 2014, à la suite du démantèlement des groupes armés sur le corridor Bangui- Garoua-Boulaye et du départ des ex-Séléka, les anti-Balaka ont mené une attaque contre la communauté musulmane de Boali. Le bilan de cette attaque est de six morts. À la suite de cette attaque, la composante droits de l'homme de la MISCA s'est rendue à Boali, le 24 janvier 2014. Elle a pu y constater la présence de deux fosses communes contenant au total 35 corps et trois tombes individuelles. Ces deux fosses et deux des tombes sont localisées non loin d’un poste de contrôle que tenaient les ex-Séléka, à la sortie nord de la ville de Boali, tandis que l’autre tombe est située dans la forêt attenante au barrage de Boali. Divers témoignages attribuent ces tueries aussi bien aux ex-Séléka qu’aux anti-Balaka.

 

67. Dans les villes de Berberati (à l'Ouest, dans la Préfecture de la Mambéré-Kadeï), de Bouar (à l'Ouest, dans la Préfecture de Nana-Mambéré), de Bozoum (au Nord-Ouest, dans la Préfecture de l'Ouham-Pendé), de Bossangoa (au Nord-Ouest, dans la Préfecture de l'Ouham) et de Sibut (au Centre, dans la Préfecture de Kémo), les informations recueillies font état de la survenance de plusieurs assassinats, d’exécutions sommaires et d’actes de tortures affectant tant les populations chrétiennes que musulmanes.

 

68. De nombreux actes de pillages et de destruction de biens ont également été relevés. C’est le cas à Bangui, notamment dans les quartiers PK12, Km 5 et Miskine, où les populations musulmanes se sont enfuies, abandonnant tous leurs biens. L’on note également de nombreux cas de pillage et de destruction de biens publics. L’une des conséquences graves de la crise est la quasi-inaccessibilité à la justice. La défaillance des administrations de police, de justice et carcérale concourt à accentuer l’impunité.

 

69. Si la situation des droits de l’homme reste particulièrement préoccupante, une certaine amélioration n’en est pas moins perceptible. Cette amélioration est attribuable aux efforts de sécurisation des populations civiles par les forces de la MISCA, avec l’appui de Sangaris. La réouverture de la Maison centrale d'arrêt de Ngaragba constitue également un développement positif.

 

70. Lors de sa réunion du 29 janvier 2014, le CPS s’est félicité de la mise en place, le 22 janvier 2014, d’une Commission internationale d’enquête pour faire la lumière sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire en RCA, depuis le 1er janvier 2013, et a demandé à la MISCA d’apporter, en tant que de besoin, l’appui nécessaire à cette Commission. Le CPS s’est également félicité du déploiement par la Commission d’un premier groupe d’observateurs des droits de l’homme au sein de la MISCA, et demandé à la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de prendre toutes les dispositions requises pour contribuer à la promotion et au respect des droits de l’homme en RCA et de lui soumettre un rapport spécifique à cet effet.

 

X. OBSERVATIONS

 

71. La RCA a connu ces derniers mois des actes de violence extrême, qui ont sérieusement affecté son tissu social, induit une forte polarisation et conduit à l’effondrement de l’économie nationale et de ce qui restait des structures de l’État. La situation humanitaire est particulièrement difficile, marquée qu’elle est par des déplacements massifs de populations, tant centrafricaines qu’étrangères, et des violations des droits de l’homme ont eu lieu à grande échelle. Cette situation fait peser un grave danger sur l’avenir de la RCA, mais aussi sur la sécurité et la stabilité régionales. Si les actes de violence qu’a connus la RCA ont visé des communautés spécifiques, le conflit dans ce pays ne saurait toutefois être défini en termes de guerre religieuse. Il procède de facteurs politiques et sociaux spécifiques liés à l’histoire de la RCA, ainsi qu’aux épisodes violents des derniers mois et à l’exploitation politique qu’en ont faits certains acteurs.

 

72. Au regard de la détérioration marquée de la situation à partir du mois de décembre 2013, l’UA et la CEEAC, avec l’appui du reste de la communauté internationale, ont intensifié leurs efforts pour faire face à la situation. Il convient de relever ici, pour s’en féliciter, le volontarisme et la détermination dont les dirigeants de la CEEAC, notamment le Président en exercice de cette organisation et le Président de son Comité de suivi sur la RCA, les Présidents Idriss Déby Itno du Tchad et Denis Sassou Nguesso de la République du Congo, font preuve. L’action de la CEEAC est multiforme, ayant non seulement une dimension politique, mais aussi financière, à travers l’appui apporté à la RCA pour le paiement des salaires dus aux fonctionnaires centrafricains. En particulier, les décisions prises par le Sommet extraordinaire de la CEEAC de janvier 2014 ont permis de relancer la transition et d’ouvrir de nouvelles perspectives pour le pays. Le rôle politique de la région est plus que jamais crucial pour l’aboutissement des efforts de stabilisation de la situation en RCA. Il importe que la communauté internationale, singulièrement les Nations unies, continuent de soutenir l’action de la région.

 

73. La situation sécuritaire, tout en restant encore volatile et préoccupante, a indéniablement connu une évolution positive significative. Le nombre d’incidents a considérablement diminué tant à Bangui que dans le reste du pays et la vie reprend progressivement son cours normal. La communauté internationale, y compris les Nations unies, se doit de prendre acte de cette évolution et de s’en féliciter. Evidemment, davantage doit être fait, car nombreux et immenses sont les défis qui restent à relever, comme l’illustrent les attaques contre les civils et d’autres actes criminels qui continuent d’être commis contre des civils, sur le territoire centrafricain. Aucun effort ne doit être ménagé à cet effet.

 

74. Cette évolution positive résulte de la relance de la transition, consécutive au Sommet extraordinaire de Ndjamena, et de l’action conduite sur le terrain par la MISCA et l’opération Sangaris. Dans le prolongement du travail accompli par la MICOPAX, la MISCA a déployé des efforts soutenus pour mettre en œuvre effectivement son mandat. Les résultats obtenus en un laps de temps très court l’ont été au prix de lourds sacrifices. Près de vingt éléments de la MISCA ont perdu la vie dans l’accomplissement de leur devoir. Plus de cent autres personnels en uniforme ont été blessés. C’est ici le lieu de leur rendre hommage, ainsi qu’à leurs pays, pour les sacrifices consentis au service de la paix, de la sécurité et de la stabilité en RCA.

 

75. L’action de la MISCA a été rendue possible grâce au soutien des partenaires internationaux, tant bilatéraux que multilatéraux. L’UA remercie tous les partenaires qui apportent un soutien à la MISCA, notamment l’UE, les États-Unis et la France, dont le soutien financier et/ou logistique et technique a été crucial pour le déploiement de la MISCA et la conduite de ses opérations. Les remerciements de l’UA vont également aux autres partenaires internationaux et aux États membres de l’UA qui apportent déjà un appui ou se sont engagés à soutenir la MISCA. L’UA est reconnaissante aux Nations unies pour leur soutien technique.

 

76. Les résultats enregistrés sont d’autant plus appréciables qu’ils l’ont été dans un contexte difficile et avec des moyens limités. Malgré le soutien apporté par plusieurs partenaires internationaux, la Mission manque de moyens de communications et de mobilité adéquats, et son financement reste insuffisant. Il est urgent que la communauté internationale se mobilise encore davantage en faveur de la MISCA, à travers la mise à disposition de ressources financières et logistiques et, le cas échéant, d’une expertise technique, ainsi qu’à travers la fourniture d’un appui dans d’autres domaines spécifiques. Il s’agit, ce faisant, de permettre à la Mission de mener à bien son mandat, y compris à travers l’augmentation, en tant que de besoin, de ses effectifs, et, partant, de lui permettre de créer les conditions du déploiement éventuel d’une opération de maintien à la paix des Nations unies. Il ne faut point s’y tromper : le succès d’une opération de maintien de la paix des Nations unies dépendra largement de la réussite de l’action de la MISCA et de celle de l’opération Sangaris.

 

77. En déployant la MISCA, l’UA a, dès le départ, envisagé la transformation, en temps utile, de cette Mission en une opération des Nations unies, en tirant pleinement les leçons d’expériences antérieures. En effet, après la phase initiale de stabilisation que la MISCA et l’opération Sangaris mènent actuellement, il est nécessaire d’amplifier l’engagement de la communauté internationale en faveur de la RCA, y compris à travers une opération de maintien de la paix des Nations unies, pour aider à la tenue des élections et à la conduite d’autres tâches cruciales pour la stabilisation à long terme de la RCA. Comme indiqué dans la lettre adressée par la Présidente de la Commission au Secrétaire général des Nations unies, le 17 février 2014, dont copie est ci-jointe à toutes fins utiles, la MISCA, avec le soutien de l’opération Sangaris, devrait pouvoir parachever le processus de stabilisation initiale de la situation dans un délai de 6 à 9 mois. Dans ce contexte, l’UA appelle à la mise en place d’un paquet de soutien logistique financé par les contributions mises à recouvrement des Nations unies. En renforçant la prévisibilité de l’appui apporté à la MISCA, les Nations unies permettront à l’UA de leur léguer une Mission forte et répondant, dans toute la mesure du possible, aux besoins de l’opération future des Nations unies, afin que celle-ci puisse, dans un contexte plus apaisé, se focaliser sur les actions requises en vue de la stabilisation à long terme de la RCA.

 

78. Comme indiqué plus haut, le déploiement d’une opération des Nations unies pour prendre la relève de celle de l’UA doit être conçu comme un effort participant d’un engagement international de plus grande ampleur. Un tel engagement doit reposer sur une répartition judicieuse des rôles entre tous les acteurs internationaux concernés : la CEEAC, l’UA, les Nations unies et d’autres acteurs clés, y compris des partenaires bilatéraux et les institutions financières internationales. Un règlement durable de la crise en RCA requiert la contribution de tous, sur la base des avantages comparatifs respectifs des acteurs concernés. Une telle approche est d’autant plus nécessaire que les défis auxquels la RCA est confrontée ne sont pas seulement d’ordre sécuritaire : ils ont aussi des dimensions portant sur des problématiques politiques, socio-économiques, de reconstruction de l’État et de promotion de la réconciliation, dans un contexte où le tissu social a été sérieusement affecté par les violences qu’a connues le pays.

 

79. De fait, par-delà la dimension sécuritaire, l’appui de la communauté internationale doit aussi viser à régler les problèmes socio-économiques les plus pressants, y compris le paiement des salaires, le rétablissement des services de base et l’appui à la reconstitution de l’État. Cette action doit également viser à lutter contre l’impunité et à promouvoir la réconciliation. De ce point de vue, la désignation rapide d’individus et d’entités qui sapent les efforts de paix en RCA, en vue de l’imposition des sanctions prévues par la résolution 2127 (2013) du Conseil de sécurité des Nations unies, revêt une importance cruciale. Tout aussi important est le travail attendu de la Commission internationale d’enquête mise en place le 22 janvier 2014 pour faire la lumière sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, depuis le 1er janvier 2013. Conformément au communiqué adopté par le CPS lors de sa réunion du 22 janvier 2014, la MISCA est disposée à apporter tout le soutien requis au travail des instances chargées de ces deux questions. L’UA est convaincue qu’une action rapide dans ces deux domaines enverrait un message clair aux fauteurs de troubles et aux acteurs politiques centrafricains qui incitent à la violence et à la haine. Dans le même temps, l’UA et la CEEAC, en concertation avec les autorités centrafricaines, devront accélérer les préparatifs en vue de la tenue de la Conférence de réconciliation mandatée par le Sommet extraordinaire de la CEEAC tenu à Ndjamena, les 9 et 10 janvier 2014.

 

80. Au lendemain d’une opération onusienne, l’UA et la CEEAC doivent continuer à jouer un rôle crucial sur les plans politiques et autres, aux côtés des Nations unies et d’autres partenaires internationaux. Il s’agit notamment de l’accompagnement politique de la transition et de la coordination des efforts internationaux à travers le Groupe international de contact sur la RCA (GIC-RCA) que coprésident la Commission de l’UA et la République du Congo en sa qualité de pays assurant la présidence du Comité de suivi de la CEEAC sur la RCA. Il est essentiel que ce rôle soit mis en relief dans toute résolution autorisant la transformation de la MISCA en une opération des Nations unies et soit fortement soutenu par le Conseil de sécurité des Nations unies. De ce point de vue, il est important que le projet de résolution qui sera préparé à cet effet fasse l’objet de consultations étroites entre l’UA et les Nations unies.

81. Aussi forte qu’elle soit, la solidarité internationale ne pourra à elle seule permettre de venir à bout des graves difficultés que connait la RCA. Les acteurs politiques et autres centrafricains ont un rôle crucial à jouer. Il ne saurait y avoir de solution durable sans appropriation nationale et leadership centrafricain. L’opération envisagée des Nations unies doit être conçue et conduite sur la base de ce principe. La communauté internationale ne peut se substituer aux acteurs centrafricains. Son rôle est de les accompagner et de les soutenir.

 

82. En conséquence, il est crucial que les acteurs centrafricains mettent l’intérêt supérieur de leur pays au-dessus des considérations partisanes et autres. Ils doivent saisir l’unique opportunité offerte par le Sommet de la CEEAC des 9 et 10 janvier 2013 pour mener à son terme la transition et mettre fin aux souffrances terribles qu’endure leur peuple. À cet égard, l’élection de Mme Catherine Samba-Panza comme chef de l’État de la Transition, ainsi que la nomination d’un nouveau Premier ministre et la formation subséquente d’un nouveau Gouvernement, constituent des signes encourageants. Mais, davantage est requis de leur part. Ils se doivent de tirer les leçons du parcours de leur pays depuis son accession à l’indépendance et du cycle d’instabilité qui a empêché leur peuple de jouir des bienfaits du développement et de la démocratie. Ils doivent panser les nombreuses blessures causées par la violence de ces derniers mois et promouvoir sincèrement la réconciliation entre toutes les composantes de la société. Ils doivent comprendre que la solution aux problèmes que connait leur pays est entre leurs mains, et qu’aucune entité extérieure ne peut se substituer à eux.

 

©UA



02/05/2014

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