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1er Rapport Intérimaire de la Commission de l’Union Africaine sur la situation en République Centrafricaine et les activités de la Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique sous conduite Africaine

2ième Partie

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IV. MISE EN PLACE ET DÉPLOIEMENT DE LA MISCA

 

15. Dans le cadre des efforts qu’elles déploient pour faire face aux défis sécuritaires que connait la RCA, la CEEAC et l’UA sont convenues de renforcer les effectifs de la MICOPAX et de la transformer en une Mission africaine. Dans le prolongement de ces efforts, le CPS de l’UA a autorisé, le 19 juillet 2013, le déploiement de la MISCA, pour notamment contribuer à la protection des civils et à la stabilisation du pays. Le 5 décembre 2013, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2127 (2013), par laquelle il a entériné le déploiement de la MISCA pour une période de 12 mois, pour contribuer à :

(i) protéger les civils et rétablir la sécurité et l’ordre public en ayant recours aux mesures appropriées;

(ii) stabiliser le pays et restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire;

(iii) créer les conditions propices à la fourniture d’une aide humanitaire aux populations qui en ont besoin;

(iv) soutenir les initiatives de désarmement, démobilisation et réintégration ou désarmement, démobilisation, réintégration et réinstallation ou rapatriement menées par les autorités de transition et coordonnées par le BINUCA;

(v) accompagner les efforts nationaux et internationaux menés par les autorités de transition et coordonnés par le BINUCA, visant à réformer et à restructurer les secteurs de la défense et de la sécurité.

 

16. Dans l’intervalle, le 22 novembre 2013, et après consultations avec la CEEAC, la Présidente de la Commission de l’UA a nommé le Général Jean-Marie Michel Mokoko de la République du Congo, jusqu’alors adjoint au Haut Représentant de l’UA pour le Mali et le Sahel, comme Représentant spécial et chef de la MISCA. Le Général de brigade Martin Tumenta Chomu du Cameroun a été nommé Commandant de la Force, cependant que le Colonel de gendarmerie Patrice Ostaga Bengone du Gabon a été nommé chef de la composante police. Le Général Kararuza Athanase du Burundi a été nommé adjoint au Commandant de la Force. Des consultations sont en cours pour la nomination du Commandant adjoint de la Police, cependant que l’annonce de nomination du Représentant spécial adjoint devrait être faite incessamment.

 

17. Dans la période qui a suivi, et en application des communiqués pertinents du CPS, la Commission et le Secrétariat général de la CEEAC ont intensifié leurs consultations, pour assurer une passation réussie des pouvoirs entre la MICOPAX et la MISCA. Ce processus avait été entamé dès le lendemain de la décision du CPS du 19 juillet 2013, mandatant le déploiement de la MISCA. Dans ce cadre, plusieurs réunions ont été organisées, y compris à Addis Abéba, les 2 et 3 septembre et entre le 7 et le 10 octobre 2013, pour finaliser, en collaboration avec toutes les parties concernées, y compris les Nations unies, le Concept de mise en œuvre du Concept stratégique de la MISCA, ainsi que son Concept de soutien logistique. Compte tenu de l’importance que revêt une collaboration continue entre l’UA et la CEEAC pour le succès de la MISCA, les deux organisations ont conclu, le 7 décembre 2013, un Accord sur le déploiement de l’opération. Cet Accord couvre notamment les aspects relatifs à la génération des forces, la mise en place du Quartier Général (QG) de la Mission, le déploiement des contingents, la coordination et le suivi, le cadre juridique relatif aux contributions de capacités à la MISCA, ainsi que la mobilisation de ressources et du soutien logistique. Le 5 décembre 2013, le Commissaire à la Paix et à la Sécurité et la Ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Centrafricains de l’Etranger de la RCA ont signé l’Accord sur le statut de la MISCA.

 

18. Dans sa résolution 2127 (2013), le Conseil de sécurité, après s’être félicité des consultations tenues entre la Commission de l’UA et les pays de la région et du concours apporté par les Nations unies et les États membres pour arrêter les modalités de la transition entre la MICOPAX et la MISCA, a prié l’UA et la CEEAC de veiller à ce que la passation des pouvoirs entre la MICOPAX et la MISCA ait lieu le 19 décembre 2013. Le transfert d’autorité entre la MICOPAX et la MISCA a effectivement eu lieu le 19 décembre 2013, lors d’une cérémonie présidée par Maître Nicolas Tiangaye, alors Premier ministre du Gouvernement d’union nationale de transition, et en présence de plusieurs autres personnalités centrafricaines et de représentants de la communauté internationale, y compris les Nations unies.

 

19. En réponse à la dégradation de la situation sécuritaire au début du mois de décembre 2013, les chefs d’État de la région, l’UA, en la personne du Commissaire à la Paix et à la Sécurité, et des partenaires internationaux ont eu des consultations à Paris, le 7 décembre 2013, juste après la conclusion du Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, tenu à Paris, les 6 et 7 décembre 2013. Le 13 décembre 2013, le CPS a décidé d’autoriser une augmentation temporaire des personnels de la MISCA, dont l’effectif pourrait s’élever jusqu’à six mille (6 000) personnels en uniforme, étant entendu que cette augmentation fera l’objet d’une revue dans une période de trois (3) mois, à la lumière de l’évolution de la situation et des besoins sur le terrain, et sur la base d'un rapport qui doit être soumis par la Présidente de la Commission.

 

20. La Commission a immédiatement pris les dispositions nécessaires pour renforcer la MISCA. C’est dans ce cadre que le déploiement, déjà envisagé, d’un bataillon burundais de 850 hommes, a été accéléré et mené à bien entre le 12 et le 20 décembre 2013, grâce au soutien des États-Unis. Entre le 16 et le 28 janvier 2014, toujours grâce au soutien des États-Unis, un bataillon mécanisé rwandais de 850 hommes a été déployé. La République démocratique du Congo (RDC) a déployé un bataillon de 836 hommes, dont les modalités d’intégration au sein de la MISCA ont été arrêtées lors d’une mission que la Commission a dépêchée à Kinshasa, du 16 au 19 février 2014. Les effectifs militaires de la MISCA s’élèvent présentement à 5 401, répartis comme suit: Burundi (850), Cameroun (515), République du Congo (863), RDC (836), Gabon (490), Guinée équatoriale (202), Tchad (814) et Rwanda (850). Quant aux effectifs de police, ils s’élèvent à 640 personnels fournis par le Cameroun (320), la République du Congo (136), le Tchad (34), la RDC (149) et le Gabon (1). La MISCA dispose également d’un Centre conjoint des opérations (CCO), avec un effectif intégré de 9 personnels : civils (3), militaires (4) et police (2). La composante civile substantive de la MISCA compte présentement 34 éléments. Le processus de population de l’État-major de la Force et de celui de la Police est en cours. Dans l’intervalle, ces fonctions sont assurées par le personnel légué par la MICOPAX.

 

21. Après la relève de la MICOPAX, la MISCA a adopté un plan de sectorisation de la capitale, Bangui, afin de parvenir à un maillage satisfaisant des huit arrondissements de la ville. C’est ainsi que les 1er, 2ème, 3ème et 6èmearrondissements ont été affectés au contingent burundais, cependant que les 4ème, 5ème, 7ème et 8ème arrondissements sont sous la responsabilité du contingent rwandais. Ces contingents opèrent conjointement avec les Unités de Police Constituées (UPC) de la MISCA. La sectorisation de la capitale Bangui est adossée au découpage administratif de la ville. Un total de 1 902 militaires et 640 personnels de police sont déployés à Bangui. Les autres contingents, soit 3 518 militaires, sont déployés comme suit à l’intérieur du pays : Secteur 1, avec un poste de commandement (PC) à Bouar (515) ; Secteur 2, avec un PC à Bossangoa (795) ; Secteur 3, avec PC à Boali (863) ; Secteur 4, avec un PC à Sibut (490) ; et Secteur 5, avec un PC à Mobaye (836). Ces Secteurs correspondent respectivement aux régions administratives suivantes : Secteur 1 : Ouham Pende, Nana Mambere et Mambere Kadei ; Secteur 2 : Ouham-Nana Grebizi, Bamingui – Bangoran et Vakaga ; Secteur 3 : Ombela Mpoko, Lobaye et Sanga Mbaere ; Secteur 4: Ouaka et Kemo ; et Secteur 5 : Haute Koto, Basse Koto, Mbomou et Haut Mbomou.

 

V. COORDINATION AVEC SANGARIS ET L’ICR-LRA ET SOUTIEN À LA MISCA

22. Sur le terrain, la MISCA coopère étroitement avec l’opération française Sangaris. Cette coopération s’inscrit dans le cadre du suivi des dispositions pertinentes du communiqué du CPS du 13 novembre 2013, dans lequel cet organe s’est réjoui du renforcement envisagé du contingent français en RCA, pour mieux appuyer la MISCA, et a encouragé la Commission à travailler à une coordination opérationnelle effective entre la MISCA et les forces françaises. Elle s’inscrit également dans le cadre des paragraphes 49 et 50 de la résolution 2127 (2013). Pour faciliter cette coordination, la MISCA et Sangaris ont mis en place les mécanismes de coopération tant au niveau de l’État-major de la force de la MISCA que des bataillons burundais et rwandais. Les commandants de la MISCA et de l’opération Sangaris se rencontrent régulièrement, et le renseignement militaire est partagé entre les deux États-majors. Les deux forces conduisent régulièrement des patrouilles conjointes tant à Bangui qu’en province, et planifient l’exécution d’opérations spécifiques.

 

23. Dans ses communiqués du 13 novembre et du 13 décembre 2013, le CPS a également demandé à la MISCA de coordonner la mise en œuvre de son mandat avec le contingent de l’Initiative de coopération régionale pour l’élimination de l’Armée de Résistance du Seigneur (ICR-LRA) déployée, sous mandat de l‘UA, dans la zone d’Obo, dans la préfecture du Haut Mbomou. Des dispositions sont en train d’être prises pour le détachement d’officiers de liaison de l’ICR-LRA auprès de la MISCA et réciproquement.

 

24. La MISCA bénéficie du soutien technique et financier de nombreux partenaires. L’opération Sangaris et les États-Unis ont détaché des officiers auprès de la MISCA. En outre, Sangaris apporte un soutien médical à la MISCA, y compris le traitement de personnels blessés par le rôle 2 mis en place par la France, le ravitaillement en produits pharmaceutiques et le soutien MEDEVAC, assuré par l’appui d’hélicoptères de manœuvre lors des opérations communes. Les Nations unies ont mis à disposition une expertise. Sur le plan financier, plusieurs pays et organisations apportent un concours à la MISCA. Lors de la Conférence d’appel de fonds organisée par l’UA, avec le soutien des Nations unies, près de 314 millions de dollars, correspondant à des apports financiers et en nature, ont été mobilisées auprès des pays et institutions suivantes: Afrique du Sud, Canada, Côte d’Ivoire, États-Unis, Éthiopie, Gambie, Japon, Luxembourg, Nigeria, Norvège, CEEAC et UE – la contribution de cette dernière constituant une partie substantielle des ressources financières mobilisées à ce jour, et États-Unis, qui apportent un soutien logistique direct en termes de transport stratégique, d’équipement et de communications. L’Algérie s’est engagée à soutenir le transport stratégique.

 

VI. MISE EN ŒUVRE DU MANDAT DE LA MISCA

 

25. Depuis son déploiement, la MISCA a mené nombre d’activités dans le cadre de la mise en œuvre de son mandat tel que déterminé par le Conseil de sécurité des Nations unies. Le Concept de mise en œuvre du Concept stratégique de la MISCA, élaboré conjointement avec la CEEAC et avec le soutien actif des Nations unies, de l’UE et de partenaires bilatéraux, notamment les États-Unis et la France, prévoyait une opération en trois phases, reposant d’abord sur la sécurisation de Bangui et celle du corridor reliant la RCA à la frontière camerounaise ; ensuite, sur une présence renforcée à l’Ouest ; et, enfin, sur l’extension des activités de la Mission à l’Est du pays. Au regard du contexte dans lequel la MISCA a pris la relève de la MICOPAX, le calendrier des opérations a dû être ajusté pour permettre la mise en œuvre concomitante des différentes phases, tout en maintenant une forte empreinte à Bangui. Les activités entreprises, qui concourent à la réalisation de l’état final recherché de la Mission tel qu’articulé dans le Concept stratégique, se présentent comme suit :

(i) Protection des civils et rétablissement de la sécurité et de l’ordre public

 

26. En vue d’assurer une protection adéquate des populations civiles, la MISCA a mis en place un dispositif spécifique à Bangui, fondé sur la sectorisation de la ville. Les contingents et les UPC qui y sont déployés conduisent des patrouilles régulières, tant motorisées que pédestres. Ces patrouilles ont lieu de jour comme de nuit. Il s’agit, ce faisant, d’assurer une présence effective non seulement sur les grands axes, mais également à l’intérieur des différents quartiers. Les éléments de la police et de la gendarmerie centrafricaine se joindront à ces patrouilles dès que le processus actuel de restructuration de ces forces aura été complété.


27. En outre, et à la suite de consultations avec Madame Catherine Samba-Panza, alors Maire de Bangui, et de discussions ultérieures avec les Maires d’arrondissement, des dispositions ont été prises pour faciliter l’interaction avec la population civile, dans le cadre des efforts visant à mieux sécuriser la ville. C’est ainsi que la MISCA a mis en place des postes statiques dans chacun des arrondissements de Bangui. De même, les numéros de téléphones cellulaires de ces différents postes ont été communiqués aux populations locales, par voie de radio et par d’autres moyens, pour leur permettre d’alerter la MISCA à chaque fois que de besoin, afin qu’elle puisse intervenir à temps. Ce dispositif s’est révélé particulièrement efficace dans le 5ème arrondissement, où se trouve une forte concentration de populations musulmanes, y compris celles qui ont fui d’autres arrondissements de Bangui. Il convient de préciser que le 5ème arrondissement est le poumon économique de la capitale. Au cours de la période sous examen, la MISCA a reçu des milliers d’appels de la part d’habitants de la ville de Bangui. La Mission a été en mesure d’intervenir à de très nombreuses reprises.

 

28. L’objectif de ce dispositif est de dissuader et de prévenir les attaques contre les civils, les actes de pillage et autres actes criminels. Il s’agit aussi d’intervenir, au besoin par la force, pour mettre fin à des activités de nature à perturber l’ordre public et à mettre en danger la population civile. La MISCA a ainsi sauvé plusieurs vies humaines, interpelé nombre de pillards et empêché la destruction d’habitations, d’édifices publics et religieux, ainsi que de biens. Il en fut ainsi de domiciles de responsables gouvernementaux et de mosquées, notamment dans le 3ème arrondissement.

 

29. Le déploiement de la MISCA à l’intérieur du pays concourt également à la protection de la population civile et au rétablissement de la sécurité et de l’ordre public. Les actions entreprises dans ce cadre incluent des patrouilles régulières, l’interpellation d’individus armés ou commettant des crimes et la protection des biens des populations civiles. Entre autres exemples, à Bossangoa, et en réaction aux menaces que les anti-balaka faisaient peser sur la population musulmane, la MISCA a déployé, à partir du 23 janvier 2014, des éléments du contingent tchadien pour assurer leur sécurité. Le 16 février 2014, la MISCA, à la demande du Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR) et du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), a protégé un convoi de 28 femmes et de 119 enfants se rendant de la localité de Féré à celle de Sibut. D’une façon générale, la MISCA protège les différents camps de déplacés à l’intérieur du pays.

 

30. L’action de protection des populations civiles s’étend également aux populations étrangères que leurs Gouvernements ont décidé d’évacuer en raison de la dégradation de la situation sécuritaire consécutivement aux incidents du début du mois de décembre 2013. C’est ainsi que la MISCA a escorté des ressortissants du Cameroun, du Mali, de la Mauritanie, du Nigéria, du Sénégal et du Tchad qui désiraient rejoindre leurs pays respectifs. Quelquefois, cet appui a été apporté sur demande, cependant que d’autres fois, la MISCA a elle-même pris l’initiative pour protéger des populations civiles étrangères en danger. Dans le cadre des escortes régulières de convois sur le corridor qui relie Bangui à la frontière camerounaise, les unités de la MISCA ont, à plusieurs reprises, assuré la protection de populations étrangères qui souhaitaient quitter la RCA.

(ii) Stabilisation du pays et restauration de l’autorité de l’État

 

31. L’action de la MISCA s’agissant de cet aspect de son mandat s’articule autour de plusieurs axes. Premièrement, la MISCA assure la protection des responsables de la transition, y compris le chef de l’État, le Premier ministre et d’autres membres du Gouvernement, le Président du CNT et, à sa demande, Mme Catherine Samba-Panza, à l’époque où elle occupait les fonctions de Maire de Bangui. Cette protection est nécessaire à l’accomplissement de leurs fonctions par les responsables de la transition et au redémarrage rapide de l’appareil étatique.

 

32. Deuxièmement, la MISCA assure la protection de plusieurs édifices publics et autres points sensibles. Les points névralgiques de la capitale (palais présidentiel, sièges de ministères, radio et télévision nationale, banques, sociétés de télécommunication, établissements hôteliers, commerces, etc.) sont entièrement sous la protection de la Mission. La MISCA protège également la Maison d’arrêt de Bangui depuis sa réouverture le 14 février 2014. À ce sujet, et grâce à la vigilance du contingent rwandais de la MISCA, la Mission a déjoué, le 23 février 2014, une tentative d’évasion de dirigeants du groupe anti-balaka qui avaient été interpelés par la MISCA lors d’une opération conduite le 15 février 2014 dans le quartier de Boye-Rabe, à Bangui. Au total, environ 700 militaires et policiers sont affectés à ces tâches de protection statique. Ce dispositif, s’il a l’inconvénient de fixer au sol un effectif significatif, est essentiel dans la phase actuelle au regard des capacités limitées des forces de sécurité centrafricaines. La stabilisation progressive de la situation permettra à la MISCA de réduire les points de garde fixe et d’avoir une présence plus dynamique dans les quartiers et en dehors de la capitale.

 

33. En outre, la MISCA sécurise des évènements ponctuels. Du 19 au 23 janvier 2014, la MISCA a sécurisé la cérémonie d’investiture du chef de l’État de la Transition. D’autre part, la MISCA a pris des mesures conservatoires pour prévenir des réactions négatives éventuelles de nature à perturber l’ordre public aux décisions prises lors du Sommet de Ndjamena des 9 et 10 janvier 2014.

 

34. Troisièmement, la MISCA aide à la protection des autorités administratives en dehors de Bangui, ainsi qu’à l’extension de l’autorité de l’État. Dans ce cadre, et après la nomination et la prise de fonction des sous-Préfets, la MISCA a pris les dispositions nécessaires pour leur transport vers leurs lieux respectifs d’affectation et leur sécurité une fois sur place, ainsi que cela fut le cas pour la Préfète de Bossangoa, dans l’Ouham. L’extension de l’autorité de l’État a également pris la forme de la reprise de localités précédemment occupées par les groupes armés. L’opération menée à Sibut, à la fin du mois de janvier 2014, est emblématique à cet égard. Il convient de rappeler ici que la ville de Sibut avait été attaquée les 28 et 29 janvier 2014, avec l’arrivée massive d’éléments des ex-Seleka provenant de localités environnantes. Ces derniers ont fait irruption dans la ville et ont exigé le départ de la compagnie réduite du contingent gabonais de la MISCA qui se trouvait sur place, déclarant vouloir faire sécession. La Force de la MISCA s’est reconstituée à partir de Bangui, et a repris Sibut 48 heures plus tard, grâce à une opération impliquant trois compagnies des contingents burundais, gabonais et rwandais, appuyés par une force de réaction rapide rwandaise et par Sangaris. La MISCA a établi une présence permanente et renforcée sur place.

 

35. Quatrièmement, la stabilisation du pays passe également par le désarmement physique des groupes armés, afin de permettre un retour progressif à la normalité. En application de cet aspect de son mandat, la MISCA a procédé, entre le 11 et le 16 janvier 2014, au désarmement accéléré des éléments ex-Séléka en charge de la garde du palais présidentiel ou Palais de la Renaissance, ainsi que de ceux qui se trouvaient à la Radiotélévision nationale. Ces éléments, initialement regroupés au camp de Roux où vivait l’ancien chef de l’État de la transition, ont été, par la suite, transférés au camp RDOT après une fouille systématique en application des Mesures de confiance signées le 5 décembre 2013 par la MICOPAX et Sangaris. Le 8 février 2014, les éléments ex-Seleka se trouvant au camp Kassai, également à Bangui, ont été désarmés. La MISCA a notamment repris toutes les armes lourdes en possession de ces éléments, avant leur regroupement, sous la protection de la Mission, au camp RDOT, à Bangui. Dans une première phase, et grâce à l’assistance fournie par la CEEAC, la MISCA a pu prendre en charge les dépenses liées à l’alimentation et à d’autres besoins connexes pour les éléments ainsi cantonnés. Depuis, d’autres partenaires ont pris la relève s’agissant du soutien à ces éléments, qui vivent dans des conditions difficiles et qui ont marqué leur volonté de participer au processus DDR. Il importe que la communauté internationale prête toute l’attention requise à ce problème.

 

36. Compte tenu du fait que certains des éléments des ex-Seleka ont pu échapper à ces opérations de désarmement, se dirigeant, pour certains, vers le Nord-Est, avec armes et minutions, la MISCA a dû prendre des mesures spécifiques pour faire face à cette situation. Plusieurs opérations de désarmement, y compris par la force au besoin, ont été menées à l’intérieur du pays. Tel a été le cas à Sibut, à Kaga-Bandoro, Bozoum, Bouar et Paoua et Baiki. D’autres éléments des ex-Seleka, qui se trouvent dans les provinces du Nord et du Nord-Ouest, attendent leur cantonnement, par la MISCA, avant de pouvoir bénéficier des opérations DDR.

 

37. Ces opérations de désarmement concernent également le groupe dit des anti-Balaka et d’autres éléments armés. À Bangui, ces opérations sont conduites régulièrement. C’est dans ce cadre qu’une vaste opération a été conduite par la MISCA, en coopération avec Sangaris, dans le quartier de Boye-Rabe, le 15 février 2014, permettant de saisir plusieurs armes de guerre et d’importantes quantités de minutions et d’autres équipements militaires. Sur le corridor qui relie Bangui à la frontière camerounaise, plusieurs opérations de désarmement ont également été conduites, notamment lors des activités d’escorte et de protection de camions et autres véhicules empruntant cette voie. À Bossangoa, la MISCA a aussi procédé au désarmement d’éléments anti-Balaka qui terrorisaient la population musulmane locale.

38. Enfin, l’appui à la restauration de l’autorité de l’État inclut aussi le contrôle par le Gouvernement de transition de ses sources de revenu. À cet égard, l’action de la MISCA a porté sur la levée, au besoin par la force, des barrages illégaux établis par des groupes armés sur le corridor reliant Bangui à la frontière camerounaise et la sécurisation de cette voie vitale pour l’économie centrafricaine. En effet, la situation d’insécurité qui prévalait le long de cette voie et les prélèvements illicites opérés par les bandes armées avaient eu pour effet de réduire considérablement le trafic sur le corridor et de priver le Gouvernement des taxes douanières et autres qui devaient être prélevées au profit du Trésor public sur les marchandises et autres biens à destination de la RCA. Depuis le 18 janvier 2014, la MISCA a mis en place un dispositif d’escorte au profit des camions empruntant le corridor. Celui-ci opère les lundi, mercredi et vendredi de la frontière camerounaise à Bangui et les mardi, jeudi et samedi de Bangui à la frontière camerounaise. Plus de 1 000 camions ont été escortés à ce jour, dans les deux sens, au profit d’agences onusiennes et d’ONGs, de Sangaris, de commerçants et d’autres acteurs.

 

39. Dans le même temps, la MISCA a encouragé le Gouvernement centrafricain à travailler à la mise en place d’un système de collecte des taxes douanières et autres à travers un guichet unique à Douala, au Cameroun. Un tel système permettrait également d’assurer la transparence dans la gestion des ressources financières et d’accroitre les revenus dont le Gouvernement a désespérément besoin pour assumer ses fonctions régaliennes. De même, le Représentant spécial de la Présidente de la Commission a recommandé au Premier Ministre d’engager des démarches auprès des autorités camerounaises pour examiner avec ces dernières les modalités du désengorgement rapide du port de Douala des cargaisons destinés à la RCA et empruntant le corridor sécurisé par la MISCA.

(iii) Création de conditions propices à une aide humanitaire aux populations qui en ont besoin

 

40. En restaurant la sécurité à travers le territoire centrafricain, avec l’appui de l’opération Sangaris, la MISCA crée aussi des conditions propices à l’acheminement de l’aide humanitaire aux populations dans le besoin. De façon plus spécifique, et dans le cadre de la sécurisation du corridor qui relie Bangui à la frontière camerounaise, la MISCA a escorté des dizaines de camions appartenant au Programme alimentaire mondial (PAM) et des dizaines d’autres appartenant à des ONGs et qui transportaient de l’aide humanitaire aux populations affectées par la crise en RCA. Il convient de signaler ici que, le 27 janvier 2014, le coordonnateur adjoint des opérations d’urgence du PAM en RCA a envoyé une lettre au Commandant de la Force de la MISCA pour exprimer la gratitude de son institution pour la rapide intervention de la MISCA et la protection apportée aux convois du PAM. À cet égard, et après que la MISCA a appris, par voie de presse, que le PAM avait eu recours à des opérations aériennes coûteuses pour acheminer l’assistance humanitaire en RCA, au motif que la route n’était guère fiable, la Mission a rappelé que le corridor était totalement sécurisé, qu’elle s’engageait à protéger tous les convois humanitaires en direction de la RCA et que les ressources limitées disponibles devraient être plutôt utilisées pour aider les populations centrafricaines affectées.

 

41. Par ailleurs, la facilitation de l’assistance humanitaire prend la forme de la protection de sites de personnes déplacées et celle de lieux de refuge ou les personnes se sentant menacées viennent passer la nuit. Un abri de refuge dénommé « Sanctuaire de l’Espoir » a été inauguré le 12 février 2014, dans le 5ème arrondissement de Bangui, pour recevoir la nuit tous ceux qui se sentiraient menacés. La sécurité des lieux est assurée par les éléments de la MISCA.

 

42. Enfin, la MISCA facilite les mouvements des agences humanitaires souhaitant se rendre à l’intérieur du pays. Au cours de la période sous examen, la MISCA a apporté protection à nombre de personnels humanitaires. De même, elle a protégé des personnalités de passage.

(v) Accompagnement des efforts nationaux et internationaux de désarmement, démobilisation et réintégration ou désarmement démobilisation, réintégration ou réinstallation ou rapatriement et de réforme et/ou restructuration des secteurs de la défense et de la sécurité

 

43. Conformément à son mandat, la MISCA appuie les deux initiatives nationales de DDR et de Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS), à travers la coordination assurée par le BINUCA. À cet effet, deux cadres nationaux de coordination sous forme de « comités » avaient été mis en place pour mieux canaliser et harmoniser les efforts dans ces domaines tant au niveau stratégique que technique. Ces cadres de coordination, qui avaient été suspendus en raison de la détérioration de la situation sécuritaire, ont été réactivés à la faveur de la mise en place de la MISCA.


44. Par ailleurs, un mois avant la mise en place officielle de la MISCA, le Comité technique DDR avait fait valider une stratégie d’ensemble, à l’élaboration de laquelle l’UA avait contribué. Cette stratégie jette les bases du cadrage global du processus DDR et prend en compte tous les groupes armés, y compris les groupes d’auto-défense, dans une dynamique orientée vers la réintégration communautaire et le rapatriement des combattants étrangers. Cette stratégie est en cours de révision pour l’adapter aux dispositions pertinentes de la résolution 2134 (2014) du Conseil de sécurité des Nations unies, notamment pour prendre en compte les nouvelles dynamiques et l’apparition et/ou le renforcement de certains groupes armés qui étaient peu considérés auparavant.

 

45. Entre temps, les Mesures de confiance, signées le 5 décembre 2013 par la MICOPAX et l’opération Sangaris, ont eu un impact sur la préparation du processus de Désarmement Démobilisation Réintégration et Rapatriement (DDRR), en ce qu’elles amorcent: (i) l’inversion du rapport de force militaire, qui devient progressivement favorable à une adhésion rapide au processus DDR; (ii) la neutralisation progressive des groupes armés, dont les activités sécuritaires sont appelées à être de plus en plus limitées; et (iii) la stabilisation progressive de la situation sécuritaire, qui pourrait permettre d’envisager la conduite d’activités sur le terrain. Bien que non contraignantes, les « Mesures de confiance » ont eu une impact positif sur la sécurisation des principales villes, en permettant notamment le regroupement de 7 140 éléments ex-Seleka dans un premier temps sur 14 sites aux alentours de Bangui, sites qui devaient être réduits à 3 ou 4. Bien qu’à ce stade du regroupement, les éléments de la Seleka gardent toujours leurs armes légères et munitions pour leur propre sécurité, une seconde phase, sous condition des financement, devrait permettre un cantonnement cadré qui favoriserait une meilleure identification, ainsi que le recensement et le profilage des éléments, leur désarmement total et une prise en charge provisoire, en attendant le lancement des programmes appropriés. À cette fin, la MISCA a contribué à l’élaboration d’un projet pilote de cantonnement.

 

46. En parallèle, les efforts de la MISCA ont été orientés vers la promotion du consensus national sur les questions du DDR et de la RSS. Ce travail a abouti à la signature, le 6 janvier 2014, par le Premier ministre et le chef de l’Etat de la Transition, des Directives Générales n°001. Ces Directives représentent une grande opportunité, car elles articulent une vision commune et consensuelle soutenue par les autorités nationales concernant le DDR et la RSS pendant la période de transition.

 

47. De même, en vue d’entamer les discussions sur le format des forces et leur restructuration, un appel au recensement des Forces armées centrafricaines (FACA), de la Gendarmerie et de la Police nationale avait été lancé entre le 23 et 31 décembre 2013. Selon les autorités nationales, cet appel a permis de recenser 3 538 FACA sur 8 434, 1 085 gendarmes sur 2 226 et 900 policiers sur 1 500. Les prochaines étapes devraient conduire à l’encadrement du recensement à travers la mise en place d’un dispositif informatisé, unique et centralisé, en vue de la création d’une base de données exploitable. À ce sujet, la MISCA a demandé le soutien du PNUD pour un transfert de compétence, afin que la Mission soit outillée pour aider au recensement et à l'enregistrement des éléments des Forces de défense et de sécurité.


48. À la lumière de l’évolution de la situation, le processus DDR, ainsi que celui de la RSS, doivent être envisagés de façon quasi concomitante. En effet, la RSS intérimaire, qui est celle de la période de transition, aura à se focaliser sur l’intégration progressive et sélective des éléments de l’ex-Seleka dans les Forces de défense et de sécurité du pays. De cette phase de sélection basée sur des critères et une enquête de moralité, qui devront être convenus de façon consensuelle, découlera la démobilisation et la réintégration dans la vie civile des éléments de l’ex-Seleka qui n’auront pas été retenus à la suite du processus de sélection. En parallèle, un dialogue devra être engagé avec les groupes d’auto-défense et les milices, y compris les anti-Balaka, qui ne devraient ni être regroupés, ni cantonnés, mais plutôt démantelés et réintégrés socialement. Par ailleurs, pendant la période de transition, les FACA devraient être maintenues en caserne pendant que la police et la gendarmerie seront renforcées par des moyens substantiels pour assurer la sécurité et le maintien de l’ordre en appui à la MISCA. Le système judiciaire devrait également être renforcé pour permettre un fonctionnement efficace de la chaine pénale. L’appui des partenaires internationaux est crucial pour la réussite de ce processus.



29/04/2014

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