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Maître Gérard Kamanda wa Kamanda est décédé : Une intelligence hors du commun s'en va

 Africa7-Mis à jour le 22-01-2016 Maître Gérard Kamanda wa Kamanda est décédé : Une intelligence hors du commun s'en va

Il fut le symbole de la diplomatie du pays de Lumumba pendant la deuxième République. Secrétaire général adjoint de l'OUA, l'ancêtre de l'Union Africaine, il fut et est resté jusqu'à sa mort le seul Congolais dont le nom avait été cité comme probable Secrétaire Général de l'Onu au plus fort de sa carrière diplomatique. Soigné dans le verbe et l'allure vestimentaire, Gerard Kamanda wa Kamanda incarnait ainsi l'élégance et la fierté d'un grand Zaïre. Ceux qui l'ont connu retiennent de lui un homme d'une intelligence au dessus de la moyenne et qui faisait pâlir étudiants et professionnels de la diplomatie
Voici une brève présentation de Gérard Kamanda Wa Kamanda

Alors que plusieurs de ses condisciples s’envolaient vers les universités européennes ou américaines pour accomplir une spécialisation, Gérard Kamanda, lui, est resté un pur produit local. C’est en 1964 qu’il décroche sa licence en droit à l’Université de Lovanium. Il s’inscrit aussitôt au barreau de Kinshasa. Kamanda est un homme pressé et ambitieux avec des objectifs précis.
 
L’occasion lui sera donnée par Justin Marie Bomboko, alors ministre des Affaires étrangères, avec lequel, il partage, quelquefois, ses repas dans le seul restaurant huppé d’alors «Le Zoo». Bomboko a pris en sympathie le jeune juriste qui s’exprime parfaitement et qui donne des gages d’un vrai nationaliste. C’est lui qui sera l’artisan de l’entrée en politique de ce jeune universitaire.

Questions d’arrondir ses fins de mois, Gérard Kamanda alterne ses prestations d’avocat avec les cours qu’il dispense à l’Institut national d’études politiques (INEP). Il y enseigne le droit administratif et la philosophie du droit.

Homme raffiné tant pour le choix des mets exquis que pour la coupe de ses costumes, Maître Kamanda, mène un train de vie d’enfer.

En 1967, la chance lui sourit enfin. Il est nommé conseiller principal à la Présidence de la République et se lie d’amitié avec Jacques Bongoma, l’adjoint au chef de cabinet. L’un comme l’autre, jeunes, intelligents et célibataires mènent la grande vie à Kin où deux ans auparavant, le général Mobutu a pris le pouvoir et recrute des jeunes universitaires. Une telle démonstration de volupté ne pouvant qu’engendrer des jaloux, le duo fait l’objet des nombreux «B.I.» (Bulletin d’information) qui oblige le chef de l’Etat à se séparer d’eux.

Pour l’anecdote, les deux compères avaient organisé un dîner en l’honneur de la chanteuse sud-africaine Myriam Makeba lors de sa tournée au Congo alors que celle-ci était attendue, officiellement, au Mont Ngaliema. «Jacques» va embrasser la carrière journalistique tandis que «Gérard», recommandé par le gouvernement, sera nommé directeur de cabinet du Guinéen Diallo Telli, fraîchement élu secrétaire général de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine). Aux côtés du Guinéen, Kamanda marque de son empreinte cette organisation africaine tant et si bien qu’il acquiert une stature africaine. 
 
En 1972, le mandat de Telli prend fin. Celui-ci est candidat à sa propre succession. Par contre, le Zaïre brigue et obtient le poste de secrétaire général adjoint. Le séjour africain, à Addis-Abeba (Ethiopie), de Kamanda aura duré une dizaine d’année en qualité de numéro deux de l’organisation continentale. Une page se ferme, une autre, nationale celle-là, s’ouvre pour Kamanda.

En 1979, il est nommé représentant permanent du Zaïre près les Nations-Unies à Genève avec extension de juridiction sur New-York. Une première. Il gardera cette double casquette jusqu’en 1981 l’année au cours de laquelle le Zaïre a présidé le Conseil de sécurité. Pour un diplomate, c’est la consécration internationale. Inutile de dire que l’homme s’acquitta de cette mission avec brio.

Le président Mobutu avait cette manière de savoir gré à ceux qui font l’honneur du Zaïre. Il rappelle Kamanda au pays et le nomme, en 1982, commissaire d’Etat (ministre) aux Affaires étrangères. Fonction qu’il occupera à trois reprises. Nous y reviendrons. En 1983, à la faveur d’un remaniement ministériel, Gérard Kamanda devient ministre de la justice, Garde des sceaux et, par la même occasion, fait son entrée dans le «saint des saints», le Comité central du Mouvement populaire de la révolution (MPR), dont il sera porte-parole et secrétaire général adjoint à la fin des années 80.

C’est, du reste, en cette qualité, qu’il conduit, en 1988, la délégation de haut niveau venu débattre, à Bruxelles, face aux journalistes belges dans le cadre de ce qu’on a appelé le «débat de la clarification». Le régime Mobutu est accusé par les médias du royaume de « détourner » l’aide belge. Kamanda va conduire la délégation zaïroise lors des négociations de nouvel accord-cadre régissant les relations entre les deux pays.

Mobutu et Kamanda entretenaient des relations du style «d’attirance-répulsion». Autant, le chef de l’Etat recourait à ses services chaque fois que de besoin, autant une fois sa tâche accomplit, il s’en détournait. Gérard le savait et s’en accommodait. C’est ainsi que quatre années durant, il fut écarté du gouvernement pour ne garder que ses fonctions au sein du Parti-Etat.

En 1990, le président Mobutu Sese Seko décrète le multipartisme, Kamanda y voit l’occasion de rebondir sur la scène politique. Il fonde, avec un cercle d’amis, comme Tony Mandungu Bula Nyati, le «Front commun des nationalistes» (FCN). Ce parti rejoint l’Union sacrée de l’Opposition radicale et alliés (USORAL) avant de rallier le cartel «URD» (Union pour la république et la démocratie).

En juin 1994, Léon Kengo wa Dondo est élu Premier ministre par le Haut Conseil e la République-Parlement de transition. Gérard Kamanda est nommé vice-premier ministre chargé de la Justice avant de retrouver moins d’une année plus tard le portefeuille des Affaires étrangères. Il sera, à ce titre, aux côtés du président Mobutu lorsque Bill Richardson, l’envoyé spécial du président Bill Clinton, lui demande, "au nom de tous les anciens présidents américains encore en vie", de quitter le pouvoir.

Kamanda sera également aux côtés du président zaïrois à bord de l’Outenika, le navire de guerre sud-africain, au moment des négociations avec Laurent-Désiré Kabila. Réputé bosseur acharné, Gérard va sillonner les capitales africaines et européennes pour dénoncer l’agression du territoire zaïrois par les armées régulières de l’Ouganda et du Rwanda. Malgré tous les talents qu’il déploie, cette fois, la cause est entendue : Mobutu Sese Seko quitte le pouvoir. Kamanda, lui, trouve refuge en France.

En 2002, il participe aux travaux du Dialogue inter congolais à Sun City, en Afrique du Sud. Lors de la formation du gouvernement de transition en 2003, il est désigné ministre chargé de la Recherche scientifique. Candidat malheureux aux élections présidentielles de 2006, Kamanda promet d’être présent lors scrutin présidentiel de 2011…Il ne se représentera finalement pas.

Né dans le Kwilu, ex- Bandundu en 1940, c'est à Kinshasa qu'il est décédé le 21 janvier 2016.

©Jacky Mopipi


22/01/2016

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