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Afrique centrale :M3F-Idriss Deby, parrain de Boko Haram ?

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MOUVEMENT DU 3 FEVRIER

 

Communiqué n°012

 

Le 14 avril dernier, 276 lycéennes nigérianes ont été enlevées par le groupe terroriste Boko Haram. Ce rapt, qui a profondément ému la communauté internationale, n'est que le dernier des abjects crimes de la secte islamiste. En effet, cette organisation terroriste, fondée en 2002, s'est distinguée à de nombreuses reprises par des attaques contre des églises, des moquées, des écoles ou bien encore des hôpitaux. Voulant appliquer strictement la charia et combattre « l'éducation occidentale », elle ensanglante depuis plusieurs années une grande partie du Nigeria et s'étend à présent dans les pays voisins, comme en témoigne l'enlèvement d'une famille de touristes français au nord du Cameroun, à la fin de l'année dernière.

 

Afin d'éradiquer ce fléau, le Président français a imposé l'organisation d'un sommet à Paris, samedi 17 mai. Décision surprenante s'il en est. Autant la France, de par son statut d'ancienne puissance coloniale et son activisme sur le continent, a effectivement un rôle à jouer dans la lutte contre Boko Haram, autant la tenue du sommet dans la capitale française est quelque peu dérangeante en termes de symbole. Inutile de préciser que l'organisation de ce sommet au siège de l'UA à Addis-Abeba ou ailleurs en Afrique aurait été bien plus opportune.

 

Mais le plus grave n'est sans doute pas là. Car le Tchad, pays frontalier du Nigeria, est convié à participer au sommet, et, au vue de l'alliance actuellement nouée entre le régime d'Idriss Deby et l'Elysée, il en sera très certainement l'un des acteurs-clés. Pourtant, de nombreux observateurs de la sous-région mettent en exergue le rôle trouble du pouvoir tchadien dans l'émergence et la subsistance de Boko Haram. En effet, Idriss Deby, non-content de maintenir le peuple tchadien sous le joug de la terreur, non-content de détourner la rente pétrolière au profit d'une infime minorité, semble avoir décidé de jouer aux pompiers-pyromanes chez ses voisins. Comme Kadhafi en d'autres temps, il prend un malin plaisir à déstabiliser les pays limitrophes, tantôt pour se débarrasser d'un pouvoir hostile, tantôt pour faire main basse sur ses richesses. Ce fut notamment le cas en Centrafrique et plus récemment au Cameroun, où Idriss Deby utilisa les services du très controversé Baba Laddé, faux rebelle mais vrai mercenaire à la solde du dictateur du Palais Rose, pour venir enflammer le nord du pays.

 

Au Nigeria, Idriss Deby poursuit la logique qui l'anime depuis de nombreuses années maintenant : s'assurer une hégémonie sur des régions limitrophes plus ou moins délaissées par leur pouvoir central, en soutenant pour se faire des mouvements armés à visée séparatiste. Et, dans le cas de Boko Haram, ce ne sont pas que de grandes théories. En effet, plusieurs éléments apparaissent vouloir confirmer la thèse d'un soutien (au tout du moins d'une indifférence bienveillante) de Deby à la secte islamiste :

  1. la présence récurrente dans la capitale tchadienne de l'ancien gouverneur du Borno (Etat du nord-est du Nigeria) de Senator Ali Sherif surnommé aussi « SAS ». Ce milliardaire sulfureux aurait, selon plusieurs organisations non-gouvernementales, favorisé l'ascension de Boko Haram au début des années 2000, avant que l'organisation ne rentre dans la clandestinité en 2009. Depuis, son idylle avec Boko Haram s'est brisée et SAS s'est retrouvé traqué par ses anciens alliés, obligé de leur verser, sur les conseils de Deby, plusieurs dizaines de millions de dollars afin de sauver sa vie. Cette manne aurait visiblement servi au renforcement de la capacité militaire de la secte.
  2. L'étrange amitié de Nourredine Adam avec les principaux cadres de Boko Haram, notamment son chef Aboubakar Shekau. Le leader de l'ex-rébellion de la Seleka, sanctionné par l'ONU pour crimes de guerre, a notamment fait un séjour de plusieurs semaines dans le nord du Nigeria, auprès de la secte, avant de s'en retourner tranquillement à Amdjarass, le village natal du président tchadien. Rappelons que Nourredine Adam a été, durant le règne sanguinaire de la Seleka, l'homme de main d'Idriss Deby à Bangui et le bourreau de centaines de victimes innocentes.
  3. Dans une vidéo diffusée début mai, le chef de Boko Haram apparaissait debout devant deux véhicules blindés RAM-2000, de fabrication israélienne. Or, il s'avère que la seule armée de la sous-région disposant de tels véhicules est l'armée nationale tchadienne. Si collusion entre Boko Haram et le régime tchadien il y a, Idriss Deby n'en serait pas à son coup d'essai en la matière, puisque la plupart des pickups de la Seleka qui se sont emparés de Bangui en mars 2013 étaient des véhicules de l'ANT repeints aux couleurs de la rébellion.
  4. Les relations exécrables qu'entretiennent Goodluck Jonathan et Idriss Deby, ce dernier refusant de participer au Forum économique et social d'Abuja, le Davos africain, qui s'est ouvert hier en présence de la quasi-totalité des Chefs d'Etats africains.

 

Le M3F, tout en condamnant avec fermeté les agissements criminels de Boko Haram, appelle les Etats participants au sommet de Paris à exclure le régime tchadien, fauteur de troubles notoire, de ses travaux. La grande force d'alternance tchadienne en appelle également à la communauté internationale afin qu'elle cesse son soutien à une dictature qui ne se contente désormais plus de propager la terreur à l'intérieur de ses propres frontières, mais qui exporte la guerre à l'étranger en soutenant des organisations terroristes.

 

Enfin, le M3F, désireux de faire vivre le Tchad en paix avec ses voisins, propose quelques mesures afin de chasser définitivement l'ombre du terrorisme de la sous-région :

  1. Revitaliser le groupe du G5 sur la sécurité au Sahel (Mauritanie, Mali, Tchad, Niger, Burkina-Faso), créé au début de l'année et déjà au point-mort, tout en y intégrant d'autres Etats marqués par la menace terroriste (Nigeria, Centrafrique, Cameroun...). Les actions menées par le G5 devront être financées par un fond commun de lutte contre le terrorisme, qui sera abondé par les pays membres et d'éventuels bailleurs de fonds internationaux.
  2. Créer une force d'élite de l'Union Africaine spécialisée dans la lutte contre le terrorisme, basée dans la sous-région et capable d'intervenir un peu partout dans la région. Cette force, formée en conséquence, interviendra dans des dossiers aussi sensibles et délicats que celui de l'enlèvement des lycéennes nigérianes.
  3. Au niveau du Tchad, mettre sur pied une division spéciale des renseignements consacrée à la prévention et à l'annihilation de la menace terroriste. Y mettre les ressources humaines actuellement affectées à la surveillance et au bâillonnement de toute forme d'opposition légale au pouvoir en place. Cette mesure est d'autant plus nécessaire que de nombreux éléments de Boko Haram sont infiltrés sur le territoire national et que certaines lycéennes enlevées s'y trouveraient.
  4. Former les gardes-frontières au profiling et à la détection des éventuels suspects de terrorisme. Mettre sur pied un fichier national centralisé des personnes impliquées dans des affaires de terrorisme, qui sera mis à la disposition de l'ensemble des commissariats et des postes-frontières. Ce fichier sera partagé avec les autres Etats sujets à de telles menaces, qui l'alimenteront en retour.

 

Fait à Lyon le 14 mai 2014,

 

Collectif



15/05/2014

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