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Centrafrique: Les musulmans lancent un cri: « Nous avons besoin de sécurité »

 « Il est urgent de sécuriser les quartiers, d’arrêter les responsables anti-Balaka, de partager équitablement le pouvoir, si on veut espérer un jour, la paix »

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[Par Esma Ben said|Mis à jour|6 juin 2014]- A l’heure où les appels aux désarmements se multiplient dans la Centrafrique, les musulmans lancent un cri de détresse soutenant que « le désarmement seul ne suffit pas, et qu’il est urgent de sécuriser les quartiers, d’arrêter les responsables anti-Balaka, de réparer les destructions matérielles, et de partager équitablement le pouvoir si on veut espérer un jour, la paix », selon plusieurs témoignages de musulmans joints au téléphone par Anadolu.

 « Désarmer musulmans et chrétiens n’est pas réellement la solution qui ramènera la paix en Centrafrique » explique Abderrahmen Dodo Saoudi, porte-parole de la communauté musulmane de Bangui, attristé par la situation que vivent actuellement les musulmans de PK5.

« Cela fait des mois que nous sommes coincés ici, que les musulmans du PK5 vivent dans la crainte et dans la douleur. Si les forces françaises n’étaient pas là pour nous défendre, nous serions tous morts »  poursuit-il avant d’ajouter « si Madame la Présidente (Catherine Samba Panza) veut nous désarmer de manière simultanée (avec les anti-Balaka), nous serons évidemment  d’accord, car nous voulons la paix, mais nous désarmer pour nous livrer aux anti-Balaka, ça, il en est hors de question. »

Un avis que partage Chamsou Mamadou, jeune étudiant à l’université, qui exerce par ailleurs le métier de frigoriste pour payer ses frais d’études . « La situation est insoutenable, le désarmement peut aider, mais il ne suffit pas. Ce qu’il faut pour restaurer la paix, c’est avant tout sécuriser les quartiers, que les gens puissent circuler sans crainte. Cela fait six mois que nous sommes enclavés à PK5, nous sommes le dernier bastion de résistance, nous voulons la paix, mais tant que nous ne serons pas en sécurité, nous nous défendrons contre les attaques quotidiennes », soutient-il.

Les deux hommes s’accordent à dire que reconnaître les musulmans comme des centrafricains est essentiel dans le processus de réconciliation :« les musulmans sont souvent traités comme des étrangers. Nous ne sommes pas reconnus comme des centrafricains alors que nous vivons ici depuis plusieurs générations », déplore Mamadou.

« Nous exigeons que la communauté internationale nous reconnaisse en tant que centrafricains, et que le gouvernement centrafricain cesse de faire payer les services publics de l’Etat uniquement aux musulmans. A la mairie, au tribunal, ils nous font payer les services gratuits que les chrétiens ne payent évidemment pas », s'exclame Saoudi avant de souligner qu’en plus de cette reconnaissance « l’arrestation des chefs anti-Balaka,  la réparation des préjudices matériels subis, la sécurisation des quartiers, sont des préalables pour aller à la négociation pour une paix durable. »

Aboubaker Yahyah, jeune connaisseur du diamant, et musulman de Bangui, estime pour sa part que « restaurer la confiance entre chrétiens et musulmans est primordial et passe même avant le désarmement. Il faut une confiance pour avoir la sécurité. Sensibiliser les gens, assurer la sécurité de tout le monde devrait être la priorité du gouvernement, après le désarmement se fera de lui-même. Mais soyez sûrs que tant qu’il n’y a pas de confiance, chrétiens et musulmans garderont leurs armes ».

A la lumière des différents témoignages, le désarmement ne se positionne pas comme étant la solution efficiente dans le cadre d’un processus de paix globale en RCA et les incidents récents, sans recours aux armes, le prouve.

Ainsi, jeudi, une femme musulmane de PK5, accusée d’espionnage par des anti-Balaka, a été violée par plusieurs hommes avant d’être décapitée, a affirmé Saoudi. Un incident confirmé par un correspondant de Anadolu, à qui un témoin oculaire a montré des photos et qui a expliqué que cette femme avait été tuée en représailles à l’attaque de la paroisse de Notre Dame de Fatima, dans le quartier musulman de PK5, mercredi 28 mai, qui avait fait onze morts.

Plusieurs chrétiens se sont aussi vengés de l'attaque de la paroisse, vendredi, en incendiant la Mosquée de Lakouanga, situé dans le 2e arrondissement de Bangui, pourtant fermé depuis six mois, depuis l’exode des musulmans du quartier, a indiqué à Anadolu,Grâce à Dieu Oundagnon, jeune chrétien, témoin de la scène.

" Près de mille chrétiens de Lakuanga ont décidé vendredi, aux alentours de 3h du matin (Gtm) d’entamer une marche pacifique à destination du centre-ville pour exiger le désarmement des musulmans de PK5.  Arrivés au centre-ville, ils ont entendu parler de l’attaque de la paroisse et à leur retour, vers 8h30 (Gtm) du matin,une vingtaine d'entre eux, ont décidé d’attaquer à leur tour la mosquée, ils ont jeté des grenades et la mosquée a pris feu. Peu de temps après, le contingent burundais est venu, et a fait disperser la foule en tirant en l’air", explique le jeune homme.

"La journée nationale de désarmement volontaire" du 8 juin, décrété dimanche dernier par le Premier ministre centrafricain, André Nzapayéké, semble réellement compromise, au vu de la recrudescence des violences.  Si le ministre exige que tous les arrondissements de Bangui « soient désarmés en même temps », les habitants, chrétiens comme musulmans, exigent d'abord un retour à la sécurité. 

 

© AA



06/06/2014

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